Chapitre 1 - Joyeux anniversaire

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Des pas légers se font entendre dans les escaliers. Parmi les deux membres de ma famille composée de mon père et de ma mère, je reconnais cette dernière à sa façon de monter les marches. Doucement, en faisant le moins de bruit possible, c'est du Karen tout craché.

Je m'empresse alors de remettre ma couverture sur mon corps simplement vêtu d'un caleçon, et fais semblant de dormir profondément. Le soleil éclatant d'un mois d'août traverse faiblement la latte en bois cassée de mon store. Cela lui permet d'éviter d'allumer la lumière de ma chambre. Elle gagne alors sans difficulté mon lit dans lequel je joue la comédie.

— Shawn, réveille-toi, j'ai fait des queues de castor uniquement pour te faire plaisir, me murmure-t-elle à l'oreille de sa douce voix remplie d'amour.

Elle n'avait pas besoin de me le dire, je les avais sentis depuis déjà un bon moment. Ces pâtisseries, faites de pâte ressemblant à celle des gaufres, sont typiques de mon pays : le Canada. Et comme tout bon canadien qui se respecte, j'en raffole complètement. Ma mère le sait très bien, c'est pour cette raison qu'à mon anniversaire elle m'en fait au petit déjeuner.

— Tu devrais te dépêcher avant que ton père ne mange tout.

Cet élément convaincant met fin à mon petit numéro. J'ouvre grand les yeux et saute presque de mon lit. S'il y a bien une seule chose que j'aime à la date où je suis né, ce sont les queues de castor préparées par celle qui prend si soin de moi. Il est donc hors de question de ne pas pouvoir en manger.

— Joyeux anniversaire, mon chéri, dit-elle avec entrain.

Elle me tend un petit sac avant que je n'aie la possibilité de m'éclipser. Intrigué, je la regarde avec de grands yeux ronds. Est-ce un cadeau comme je le crains ? Pourquoi fait-elle ça ? Je sens mon sang bouillir en moi. J'ai envie de m'énerver, de lui dire des mots blessants, mais son visage si doux et marqué par la fatigue me conjure de garder mon calme. Je sais qu'elle pense bien faire, mais je ne peux pas. Pas après que mon anniversaire soit devenu un autre sinistre souvenir.

— Maman, tu sais que je ne veux pas de cadeau.

— Celui-ci est spécial. Je te le laisse sur ton bureau, à toi de voir si tu souhaites l'ouvrir ou non. Tu es un adulte maintenant.

Elle pose délicatement son présent et m'accorde un baiser sur le front en passant. Je suis désormais seul dans la pénombre de ma chambre à contempler ce petit sac que je ne souhaite pas ouvrir. Cela me rappellerait ce jour où j'ai réellement mesuré ce que l'accident avait fait à ma vie, ce qu'il avait à jamais changé. Le revivre une seconde fois serait de la torture.

Je choisis donc d'ignorer le paquet trônant sur mon bureau et préfère gagner la cuisine qui se trouve au rez-de-chaussée de la maison. En arrivant dans la pièce à la décoration contemporaine, car refaite à neuf le mois dernier, j'y trouve mon père assis à sa place habituelle. Il prend toujours son petit déjeuné sur le bar qui est en continuité de l'ilot central. J'attrape le tabouret en face de lui et m'y assois. Une assiette remplie de queues de castor au beurre de cacahuète et confiture m'attend. Je ne perds pas plus de temps et commence à m'empiffrer.

— Shawn, s'il te plait mange proprement. Un garçon de dix-neuf ans sait se tenir.

A son regard sévère, je me redresse automatiquement. Je saisis le couteau à ma droite et commence à couper de petites parts. Mon père est un homme d'affaire adorable, c'est un patron extraordinaire, mais il sait se faire respecter. Si une chose ne lui plait pas, il n'hésite pas à le faire savoir. Je l'ai appris à mes dépends étant plus jeune, c'est pourquoi aujourd'hui je sais qu'il ne faut surtout pas le contrarier.

A fleur de peau [SM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant