IV. Réaction

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Lorsque les premières notes se firent entendre, la rumeur de la foule se tut. Leurs yeux scrutaient la scène, vide. Ils attendaient l'apparition de la danseuse.

Soudain, les notes de harpe jouées dans le morceau se firent de plus en plus brusques, violentes et prononcées. C'est à ce moment là que surgit Lucy, dans un grand bond gracieux.

La musique donnait comme une impression de colère. Elle était loin d'être douce, mais plutôt brutale et percutante.

Les pas de Lucy étaient saccadés et coincés, comme si elle était bloquée sur quelque chose. La musique exprimait ses émotions, la danse les interprétaient.

Silence. Lucy s'immobilisa.

Une note fut jouée un bref instant durant lequel Lucy bougea, puis le silence à nouveau.

Et la musique reprit, plus calme, douce et posée.

Mais plus triste aussi.

Lucy dansait désormais avec grâce et souplesse, enchaînant toutes sortes de mouvement de sa création. Elle n'y connaissait rien en danse, c'était absolument évident.

Mais c'était tout simplement sublime.

Les mots mêmes ne suffisaient pas. Chacun de ses gestes, chacun de ses pas disaient une seule et unique phrase, répétée en boucle tout au long de sa chorégraphie.

Je t'aime, et j'en souffre.

Lorsque des mots ne suffisaient pas, lorsque des regards et des contacts étaient impuissants face au doute qui la rongeait, Lucy n'avait vu qu'une seule solution pour exprimer à Grey tout l'amour qu'elle lui portait.

Elle savait que ce n'était pas réciproque. Face à Juvia, elle n'avait aucune chance. Mais au moins, s'il la regardait, même une infime seconde, cela lui suffisait.

Lentement, le temps s'écoulait. Lucy ne ressentait plus rien autour d'elle, à part son amour et sa douleur. C'était tout ce qu'elle souhaitait exprimer et révéler. Trop concentrée sur la musique et le rythme à suivre, elle ne le voyait pas.

Mais sincèrement, elle espérait qu'il la regarde. Juste une fois.

La musique ralentit, jusqu'à devenir presque inaudible, et Lucy finit sa déclaration silencieuse face aux spectateurs, le sourire aux lèvres.

Ils pouvaient bien applaudir autant qu'ils le souhaitaient, la siffler et lui jeter des fleurs, lui crier des compliments ou lui dire qu'elle avait été fantastique, elle n'en avait que faire.

Tout ce qui comptait à ses yeux, c'était ce que Grey pensait. Si il avait compris son message.

Lorsque leurs regards se croisèrent, Lucy se sentit comme électrifiée. Son regard perçant et profond avait le pouvoir de la faire sombrer dans le plus doux des rêves.

D'un simple coup d'œil, elle vit qu'il avait compris. Alors, elle s'en alla, quitta la scène et se dirigea vers les vestiaires. Tranquille, l'esprit un peu ailleurs après sa prestation, elle s'assit sur un banc et but une grande gorgée d'eau.

Advienne que pourra.







Il la regardait. Elle, rien qu'elle. Il avait l'air profondément perturbé. Elle, souriait. Elle s'était préparée à ce moment où il allait la rejeter, réduire son cœur en miettes pour le reconstruire et le détruire à nouveau.

Il lui faisait cet effet la, Grey.

Lucy et lui étaient assis sur un banc, derrière le bâtiment. Il faisait nuit, l'air était frais et la lune décorait le ciel, monopolisant les regards. Comme à son habitude, le jeune homme n'était que trop peu vêtu et la blonde ne pouvait que le contempler discrètement.

- « Lucy... »

Sa voix... Quelle voix !

Elle avait l'air profondément idiote, à s'extasier devant chaque petit détail, et elle s'en mordait les doigts, mais elle n'y pouvait rien.

L'amour l'avait capturée et enfermée dans une cellule, condamnée à regarder celui qu'elle aimait à l'air libre avec une autre. L'amour était la cellule aussi, tout compte fait.

Elle était prisonnière de ses sentiments, incapable de penser à autre chose, complément obsédée.

Est-ce qu'elle était folle ?

- « Tu... Tu es... am- »

- « Oui. Je suis amoureuse de toi. Depuis le collège. »

- « Oh... »

- « Certains s'expriment avec des mots, d'autres avec de la musique ou des dessins. Moi, je m'exprime avec ma danse. »

Lucy et Grey ne se regardaient pas. Ils étaient simplement assis côte à côte, contemplant le ciel peuplé d'étoiles. La Lune ne brillait pas tant que ça. Elle était seule, et pourtant entourée de milliers d'étoiles.

Un peu comme Lucy, tout compte fait.

Elle savait qu'il ne l'aimait pas. Il n'avait d'yeux que pour Juvia, après tant d'années à l'avoir lamentablement repoussée. Ils étaient au comble du bonheur, alors pourquoi briser cette bulle pour une danseuse ratée ?

Elle savait qu'il ne l'aimait pas, mais ça faisait quand même très mal.

- « Je suis désolé. »

- « Ne le sois pas. Mon cœur t'a choisi, mais le tien en a choisi une autre. Quel mal y a-t-il à cela ? C'est la vie. »

Grey ferma les yeux un instant et de demanda si l'instant de calme et de plénitude de son amie n'allait pas succéder à une violente crise de larmes. Mais bien sûr, il connaissait la réponse.

Il était tellement désolé.

Alors qu'il s'était perdu dans ses pensées, Lucy l'arracha à ses sombres excuses.

- « J'aimerais juste que tu me dises... ce que ça fait d'être aimé en retour. »

Grey hésita un instant. Cela n'allait il pas lui faire encore plus de mal ? Puis, il se dit que, de toute façon, c'était ce qu'elle souhaitait. Alors pourquoi lui refuser sa requête ?

- « On a juste l'impression d'exister. D'être important pour quelqu'un, d'avoir une raison de vivre. Toute la journée, ton cœur bat la chamade rien qu'en pensant aux moments passés ensemble. C'est tellement... »

- « Magique. »

- « Exactement. »

Lucy baissa la tête. Elle sentit les larmes couler couleur le long de son visage dans les plus grand des silences. D'une légère pression sur l'épaule - qui la fit frissonner - elle congédia Grey et lui demanda d'appeler Erza.

Puis, avant qu'il ne parte, elle lui adressa encore quelques mots :

- « Tu sais, je voulais juste que tu me regardes. »

- Cléadele Bricourt -

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