Chapitre 3

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LA SILHOUETTE QUE MAXENCE AVAIT pris pour le surveillant, fut la personne qui balança une dynamite dans le bâtiment.

Il y eut un première détonation, pas bien forte. La pièce commença à trembler, c'est vraiment l'image qui me vient à l'esprit quand j'y pense. Les murs tremblaient, le plafond tremblait, le sol tremblait, les tables tremblaient. Tout semblait vouloir s'effondrer.

La détonation qui suivit fut bien plus proche, bien plus forte. Un fracas indescriptible agita ma table de tremblements incontrôlables. Le genre de "fracas" qu'on a l'occasion d'entendre quand on passe devant une maison en processus de démolition, quand on peut voir les murs s'effondrer au sol en dégageant un nuage de fumée étouffant.

Tombée de ma chaise tellement celle-ci s'agitait, je fus prise d'une violente quinte de toux lorsqu'une fumée blanche passa sous la porte. En ce qui me sembla être une fraction de seconde, les murs se fissurèrent étroitement, si vite que c'en était effrayant. J'avais l'impression qu'une toile d'araignée sombre était apparue en une poignée de secondes. Soudain un pan du mur s'effondra sur nous. Deux mains saisirent brusquement mes manches et me tirèrent d'une force surhumaine un mètre plus loin, sous la table de Régis, me semblait-il.

J'étais incapable de détourner mes yeux du spectacle, malgré toute la poussière qui me fouettait les yeux et malgré les débris qui tombaient sur nous. Mais des cris d'une voix autre que celles de mes amis, beaucoup plus rocailleuse, beaucoup plus mature, beaucoup plus articulées, réussirent à attirer mon attention. Je tournai la tête pour voir des hommes vêtus de longues robes traditionnelles des musulmans qui s'engouffraient par la fenêtre grande ouverte et qui se jetèrent sur nous.

Dans ma tête j'étais déjà morte, mais pourtant, quelques minutes plus tard, une mitraillette pointée sur ma nuque, les mains nouées dans le dos, parcourant la plaine où nous avions mangé quelques heures auparavant notre repas du midi, puis montant de force dans un des camions blancs qui attendaient au pied de la colline, puis assise là, sur cette banquette abimée, avec Régis à ma droite, j'étais toujours vivante. Seulement : pourquoi ?



des nuages plus grisWhere stories live. Discover now