Rebelle dans l'âme

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Enfant, et même encore un peu aujourd'hui, la nuit me terrifiait. Mes premières années, je passais bon nombre de mes nuits à squatter le lit de mes parents, c'était facile j'étais l'aînée. Il n'y avait qu'à cet endroit où j'avais l'impression que rien ne pouvait m'arriver. Je voulais bien essayer de rester dans mon lit si l'on me permettait de garder la porte de ma chambre entrouverte et la lumière du couloir allumée. J'avais un caractère affirmé. Je savais ce que je voulais et surtout ce que je ne voulais pas. J'appris d'ailleurs à lire très tôt. J'avoue avoir eu tendance à être un peu trop précoce dans bien des domaines. Je ne supportais pas que l'on me dise ce que je devais faire. Il suffisait que mes parents me suggèrent « blanc » pour que je fasse « noir ». L'amour me rendit plus docile. Je me découvris très tôt une aversion pour l'injustice. Cela pouvait faire ressortir un sentiment de colère incontrôlable, une envie de révolte. Je n'avais pas peur de prendre la parole en public s'il s'agissait de défendre une bonne cause.

Pendant de nombreuses années, ma maman nous surnomma « Les quatre filles du docteur March » à cause du nom de famille de mon papa et du fait qu'ils n'arrivaient pas à donner naissance à un garçon. Mais après avoir donné naissance à quatre filles (moi en 1978, Joséphine en 1982, Elizabeth en 1984 et Amy en 1986), ils réussirent enfin. L'arrivée de mon frère en 1988 marqua la fin de l'évolution de notre fratrie. Dès sa naissance, à l'aube de mes dix ans, un sentiment nouveau et déstabilisant s'installa en moi. J'avais la sensation de ne plus trouver ma place dans notre famille. Il m'arriva même quelques fois de vouloir que ma vie s'arrête ici. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi je me sentais si vide et si triste désormais. Je savais que j'étais sur Terre pour une raison bien précise, mais mon ignorance à ce sujet me faisait trépigner d'impatience. J'avais cette sensation malheureuse de ne vivre qu'à moitié. Il est vrai qu'à ce moment je ne connaissais pas toute la vérité qui fait qu'aujourd'hui je me sens libérée. J'aurais pu écrire moi-même les paroles de « SOS d'un terrien en détresse » tellement cela me ressemblait. Pourtant je prenais un réel plaisir à m'occuper de mon petit frère. Des affinités fraternelles enfantines se dessinèrent alors à l'horizon. Je développais un lien particulier avec ma deuxième sœur Elizabeth pendant que la communication devenait de plus en plus difficile avec Joséphine, de deux ans ma cadette. Quant à la petite dernière, Amy, je la trouvais très renfermée sur elle-même, alors que finalement elle s'était peut-être juste réfugiée elle aussi dans une autre galaxie. Aujourd'hui je considère notre fratrie comme parfaite. Nous apprécions chaque instant de notre vie que nous partageons ensemble.

Mes grands-parents eurent eux aussi un rôle important dans mon enfance. J'avais une relation fusionnelle avec mon grand-père paternel. Malgré mes onze ans, je prenais encore plaisir à m'asseoir sur ses genoux. Je me blottissais alors contre son torse tout en jouant avec ses imposantes bretelles. Il me racontait, pendant ces instants privilégiés, ses déboires à la guerre. Il avait en effet été déporté en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale et y avait été pendu par les pouces. Malgré cela, il vouait un amour inconditionnel aux Allemands et me priait d'apprendre leur langue lorsque je ferai ma rentrée au collège, ce que je fis. Je regrette aujourd'hui de n'avoir pas eu le temps de retranscrire sur papier ses récits, nous aurions encore une trace de son histoire. Je le vis trois jours avant son grand départ vers l'Au-delà. Il nous quitta le jour de son anniversaire. Aussi étrange que cela puisse paraître, il savait que ce jour était son dernier. Il était en pleine forme, mais il le sentait intérieurement. J'ai longtemps porté le poids de la culpabilité quant à son décès : j'étais passée sous une échelle la veille, me moquant des superstitions. Sa femme, ma grand-mère paternelle, me subjuguait par ses dons de cartomancienne et sa foi. Comme tout le monde le sait, les facultés ésotériques se transmettent la plupart du temps de génération en génération. Ma première prémonition eu d'ailleurs lieu en revenant de nos dernières vacances passées ensemble dans la belle région du Puy de Dôme, j'avais une dizaine d'années : je répétais à qui voulait bien l'entendre que si un jour je devais quitter ma Normandie ce serait pour aller vivre près des volcans. Ma grand-mère maternelle, quant à elle, m'inspira pendant de longues années. Je passais la plupart de mes vacances dans sa mercerie ou dans sa caravane au camping. J'adorais l'aider à tenir son magasin. Elle me légua son amour du prochain. Je me suis d'ailleurs inspirée de toutes les deux pour composer mon nom d'écrivain : « DERHAS ». Il reprend les trois premières lettres de leur nom de naissance, à une lettre près.

Je commençais à prier Dieu à la mort de mon Pépé déporté. Je m'en voulais tellement... Je demandais au Seigneur de protéger désormais tous ceux que j'aimais et je le suppliais secrètement de me rendre différente des autres, de me rendre spéciale. Mais je ne tardais pas à devenir cette rebelle catholique qui m'a longtemps caractérisée. Je crois en beaucoup de choses certes, mais j'ai toujours eu la conviction que nous avions tous le même et unique Dieu. Pour moi, IL n'est pas une personne comme vous et moi, IL est un ensemble d'éléments. IL est partout et en tout. IL est le vent, l'air, l'eau et le feu en même temps. IL est dans tout ce qui nous aide à vivre aujourd'hui. Je peux le sentir quel que soit l'endroit où je me trouve. Pas besoin de me rendre dans une église pour pouvoir communiquer avec lui. Je pense que les religions ont été instaurées pour séparer les peuples et il est bien trop tard pour revenir en arrière. Il ne nous reste plus qu'à rejoindre celle dont les valeurs sont en harmonie avec notre cœur et notre façon de penser.

J'ai été baptisée catholique très tôt comme l'ont été mes parents, mes ancêtres. Par habitude finalement et non par réelle conviction. Le fait d'être cette catholique rebelle ne m'a pourtant pas empêchée de trouver le bonheur, l'amour avec un grand A. La vie ne m'a peut-être pas épargnée mais grâce à Dieu et aux personnes qu'Il a envoyé sur mon chemin pendant toutes ces années, j'ai appris à faire face... J'ai vécu plus de quinze ans auprès de Richard, le père de mes enfants, avant de rencontrer mon âme sœur, Thomas, mon guide. Toutes ces épreuves traversées ont étoffé ma foi malgré quelques courtes périodes de doutes. À chaque fois que je baissais les bras, Dieu était bien là, devant moi, pour m'aider à me relever. J'avais des questions à lui poser, comme vous tous j'en suis persuadée. Pourquoi je suis dans cette vie et pour y faire quoi ? Est-ce qu'après la mort nous ne sommes vraiment plus rien ? D'où vient ce sentiment d'abandon et de souffrance qui résonne en moi depuis si longtemps ?

Après quarante longues années, Dieu m'a appris à trouver les réponses aux questions que je me posais. Et même plus... Aujourd'hui ma vie n'est qu'amour et lumière. Je connais enfin MA vérité.

Martin, mon jumeau perduWhere stories live. Discover now