CHAPITRE 9

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ALEXANDRE LEWIS

   Une fois rentré des cours, je me rends directement dans la chambre d'Aline : il faut absolument que je lui parle. Une fois arrivé devant sa porte, je toque trois fois. Aucune, réponse. Croyant qu'elle ne m'a entendu, absorbée par sa musique, je recommence.

Toujours rien.

   Je ne sais pas si elle m'ignore ou si elle ne m'entend vraiment pas, mais dans les deux cas ça m'énerve : agacé, je perds patience et pousse la porte si brutalement qu'elle s'ouvre à la volée et claque contre le mur.

   Je trouve finalement Aline allongée sur son lit, sa musique dans les oreilles.
   Mais dès qu'elle voit la porte s'ouvrir brusquement, elle se recule le plus loin possible de moi, tremblant et respirant très fort.

   Instinctivement, je m'immobilise pendant qu'elle ferme les yeux et pose une main sur sa poitrine, essayant de se calmer. Quel idiot je suis, j'ai dû lui faire peur...

- Qu'est-ce qu'il y a ? elle finit par demander au bout d'un moment qui me paraît atrocement long.

- D-désolé... je bredouille. Je ne voulais pas te faire peur...

- Non, ce n'est rien. Qu'est-ce que tu voulais ?

- M'excuser. Je voulais te présenter des excuses.

- Mais pourquoi ? demande-t-elle en ouvrant des yeux ronds.

- À propos d'Enola et sa bande, tu sais... ton harcèlement...

   Elle baisse les yeux et croise les bras sur son corps, se raidissant complètement.

- Je suis vraiment désolé de n'avoir rien vu... je reprends, gêné. J'aurais dû voir que ces cons s'acharnaient sur toi... je m'en veux.

- C'est inutile, m'interrompt-elle.

- ... Pardon ?

- Inutile de t'excuser, reprend-elle Je ne mérite pas tes excuses. S'ils m'ont fait ça, c'est que je dois le mériter...

- Non ! je m'écrie. Tu ne mérites pas tout ce qu'ils t'on fait, Aline... tu ne mérites rien de tout ce qui t'ai arrivé jusqu'à aujourd'hui.

- Si.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Parce que je ne mérite même pas de vivre, répond-elle d'une voix plus douce, complètement décalée de ses propos si durs envers elle-même.

   Son visage, lui, reste parfaitement neutre. Aucune trace de colère, de douleur, ni d'aucune autre émotion. Une fois de plus, c'est comme si son esprit n'est plus là.

- Bien sûr que si, Aline, je murmure. Si tu es sur cette terre, c'est pour une bonne raison, et c'est parce que tu le mérites. Il ne faut pas te torturer l'esprit et te faire du mal pour rien...

- Ce n'est pas rien...tu ne comprends pas, Alexandre. Tu ne peux pas comprendre...

Je l'interroge du regard.

- ... du moins pour l'instant, elle ajoute.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? je demande, perdu. Si je ne comprends pas, explique-moi...

- Sors ma chambre s'il-te-plaît, dit-elle sans même répondre à ma question.

   J'acquiesce et me dirige vers la porte sans broncher.
   J'ai bien compris la leçon de la dernière fois, quand j'ai refusé de sortir de sa chambre au moment où elle me l'a demandé, et qu'elle m'a poussé dehors comme un malpropre. Surtout après la baston de ce matin, je sais désormais qu'il ne vaut mieux pas l'énerver... et puis après tout je lui ai présenté mes excuses, c'est ce que je voulais.

- En tout cas, n'hésite surtout pas à venir me parler si tu en as besoin, dis-je une fois dans le couloir. Je serai là à l'avenir, tu peux compter là-dessus.

   Elle hoche la tête, et, après un regard entendu, je referme doucement la porte. Une fois seul dans le couloir, je m'assois par terre, adossé contre la porte de sa chambre.

   Cette conversation, bien qu'elle n'ait duré que quelques minutes, m'a fait comprendre pas mal de choses.
   À présent, je ne considère plus Aline comme une adolescente traumatisée et un peu étrange, contrairement à il y a près de trois semaines... je la vois comme une jeune fille courageuse, qui a vécu des choses terribles mais qui a réussi à s'en sortir, avec toute la terreur qui va avec.

   Et à présent, je me rends bien compte qu'elle peut aller mieux, et sortir définitivement la tête de l'eau : elle a juste besoin d'aide. Et je me promets à moi-même de faire tout mon possible pour l'y aider : ce sera sûrement très long, mais je suis sûr qu'on peut y arriver ensemble... il y a forcément une issue quelque part.

   Il faut simplement qu'elle le veuille, et qu'elle retrouve confiance... pas seulement en elle-même, mais aussi en nous tous.

(Sur)vivanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant