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Nous avons enfin terminé nos épreuves, lesquelles auront duré trois fichus jours, et nous venons, je l'espère, de dire adieu à notre statut d'externe. L'exam de cet après-midi était le plus difficile du concours, mais je le sens bien. Ce qui est fait est de toute façon fait, donc, nous pouvons passer à la suite : fêter ça, et réellement passer en mode vacances.

Aussitôt sorti de la fac, j'ai déposé Terence à son appart, je suis passé chez mes parents pour ramener la voiture de mon père, et après avoir répondu tant bien que mal aux centaines de questions de ma mère sur mes ressentis quant à l'épreuve finale, j'ai récupéré ma moto pour enfin retrouver mon vrai chez moi.

Je kiffe mon appartement. Pour commencer, aucun frère ou sœur pour me faire chier, pas de mère qui m'engraisse et pas de père moralisateur. Ensuite, mon deux pièces a de la gueule. Ma mère ne m'a pas laissé le choix et l'a entièrement décoré, mais je dois reconnaître qu'elle a fait ça bien. L'immeuble est un vieux bâtiment haussmannien, mais elle a réussi à donner à cet appart un côté assez moderne. La pierre des murs côtoie une déco à prédominance noire, mixant à la perfection ce mélange d'ancien et de contemporain. Le salon est plutôt spacieux et à défaut d'avoir eu mon mot à dire sur la déco, j'ai au moins pu choisir ma télé, un petit bijou importé direct du Japon. C'est le squat parfait avec les potes pour faire des soirées jeux-vidéo ou pour mater des films.

J'ai une chance inouïe d'avoir un tel logement dans le quartier le plus chic de Bordeaux, et je ne remercierai jamais assez mes parents de me l'avoir offert, il y a deux ans. Cela dit, il a deux défauts, et pas des moindres. Il est à trois cents mètres de la baraque de mes vieux, et le quartier n'est pas le plus festif qui soit. Je soupçonne d'ailleurs mes parents de l'avoir acheté pour toutes ces raisons. Je ne nie pas que c'est sûrement intéressant d'avoir une galerie d'art à côté, un resto qui accueille tous les costards-cravates de la ville, ou encore de pouvoir alterner le shopping dans les plus grandes enseignes de luxe, mais à 24 ans, il se trouve que j'ai d'autres centres d'intérêts, en l'occurrence, les bars, les boîtes, et les filles. C'est ce qui explique que nous faisons davantage de soirées chez Terence qui vit dans le quartier étudiant.

Son appart ne paye pas de mine, mais il a préféré acheter un petit logement, facilement revendable, et laisser fleurir quelques années encore tout ce qu'il a pu hériter à la mort de ses parents. En attendant d'être chirurgien, il préfère gagner de la thune avec des petits boulots, en plus de faire ses études, que de toucher à son pactole. Au décès de son père, alors qu'il n'avait que 19 ans, mes parents ont voulu l'héberger à la maison, mais il a refusé, et il n'a pas non plus accepté leur aide financière. Il a acheté son appartement avec une partie de la vente de la maison familiale et a placé le reste avec les assurances souscrites par son père. Quant à prendre une coloc ensemble, c'est tout bonnement inenvisageable. Bien que l'on soit légèrement fusionnels, on est diamétralement opposés. Terence aime le calme, j'aime le bruit. Il dort à peine, je suis une vraie marmotte. Il mange équilibré, je suis le roi de la mal bouffe.

J'assume ce que je vais dire, mais ce mec, c'est mon dieu. Il est brillant et se sort de chaque merde qu'il traverse encore plus fort. En tout cas, c'est comme ça que je le vois. Enfin, si on lui posait la question, je ne suis pas certain qu'il confirmerait mon analyse. Les années passant, il est de plus en plus taciturne, et toutes les conneries qu'il peut nous faire faire montent d'un cran.

Je sais qu'il paie le prix de ses malheurs, mais l'issue est qu'au final, il est excellent dans tous les domaines, et moi, je ne choisis de voir que ça, sans jalousie aucune. Il a toujours eu les meilleurs résultats de la promo, les plus élogieuses annotations en stage, et c'est un tombeur de jupons de première. De toute façon, il ne me laisse guère d'autres options, car il ne supporte ni les confidences ni aucune forme de compassion à son égard. Il gère seul ses emmerdes, laisse le passé là où il est, et se concentre sur son avenir. Quant à moi, je suis là s'il a besoin. Ma seule présence à ses côtés, même silencieuse, vaut bien plus pour lui que tous les blablas du monde.

WillWhere stories live. Discover now