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Effectivement, Antoine n'a pas mis le nez dehors, durant les trois jours suivants.

Il a eu droit à un « Oh, merde », suivi d'éclats de rires moqueurs, à chaque arrivée de chacun de nos potes. Il faut dire que cette face de cul, blanquinou à la base, est maintenant rouge comme une écrevisse, brûlé au deuxième degré, et la trace blanche de ses cinq doigts et de sa paume trône en plein milieu de son visage. Le mélange du blanc, du rouge, et de ses tâches de rousseurs, est des plus intéressants. Ajoutez ses deux billes bleues qui nous mitraillent, et on obtient un tableau digne des plus grands maîtres de l'abstrait.

Ce pauvre Antoine a beau mettre toute la Biafine du monde, il n'y a rien à faire, ça perdure tel quel. Sa peau est à présent aussi rouge que celle d'un cul, mais cette fois, de babouin. Le masque de l'humiliation suprême est solidement incrusté. Je ne suis même pas certain que ce sera mieux, lorsque les coups de soleil avoisinants disparaîtront. Ce con va garder la trace de sa main sur le portrait pendant un bon moment !

En tout cas, on peut dire qu'il est devenu l'attraction de la maisonnée. Voilà une bonne heure que nous sommes tous attablés dans la salle à manger, cherchant un moyen d'amoindrir la catastrophe.

— On peut peut-être lui acheter du fond de teint, non ? propose Simon après avoir suggéré d'acheter une cagoule, idée vraiment à la con, puisque les températures ne descendent pas en-dessous des trente degrés.

— Pas tant que c'est rouge autour. Ça va être pire, lui répond avec bon sens Vincent.

— Mouais, t'as raison.

— Eh, je vous entends ! Vous êtes quand même au courant que je suis dans la même pièce que vous ?

Nous tournons tous notre tête vers Antoine, mais bon sang, c'est trop difficile de rester sérieux quand on voit son visage, et comme les autres, je dois faire un effort surhumain pour ne pas éclater de rire. Seul Charles, expert en relations humaines, parvient à garder son sang-froid. Enfin... presque.

— On essaie de te trouver une solution, Main-Blanche-Au-Visage-Rouge, conclut-il en nommant Antoine par son surnom sioux, avant de littéralement exploser de rire.

— Ha Ha Ha. Vas-y, marre-toi, Charles. Moi aussi je suis mort de rire, bande de connards va !

— Hé ! On veut juste t'aider nous !

— C'est ça ouais.

— Allez, arrête de bouder. Viens avec nous à la plage, on va surfer. Il n'y aura que nous, tenté-je de nouveau pour la troisième fois de la journée.

— Jamais de la vie je sors avec cette tête, désigne-t-il son visage d'un coup de doigt circulaire. Le médecin a d'ailleurs dit que je ne devais plus aller au soleil.

— Ouais, ben nous aussi on est médecins, ou presque, le contredit David. T'as qu'à te badigeonner la face avec de la Biafine et garder tes fringues, plus une casquette. Voilà ma prescription.

— Tu ne veux pas que je me trimbale avec un parasol aussi ? Non merci.

— Excellente idée ! clame soudainement Simon avec entrain. Will ? Est-ce que ta grand-mère à un parasol de plage ?

— Euh... Oui, sûrement.

— Alors c'est réglé. Hugo et Vincent, vous le maintenez pendant que je lui farcis la tronche de Biafine. Will, tu vas chercher le parasol. David et Charles, vous faites tourner les moteurs, et vous revenez pour nous aider à porter le Sioux jusqu'aux bagnoles.

— OK, c'est parti, balançons-nous en chœur, tout en nous levant pour nous mettre à nos tâches respectives.

Comme convenu, Hugo et Vincent se saisissent d'Antoine, qui ne coopère pas vraiment, et le maintiennent avec force sur une chaise, pendant que Simon lui vide le tube de Biafine sur le visage, étalant sans aucune tendresse la crème jusqu'à la base de son cou.

WillWhere stories live. Discover now