32- Une semaine du petit elfe Ferme-l'œil

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Dans le monde entier, il n'est personne qui sache autant d'histoires que Ole Ferme-l'œil. Lui, il sait raconter...

Vers le soir, quand les enfants sont assis sagement à table ou sur leur petit tabouret, Ole Ferme-l'œil arrive, il monte sans bruit l'escalier — il marche sur ses bas — il ouvre doucement la porte et pfuitt ! il jette du lait doux dans les yeux des enfants, un peu seulement, mais assez cependant pour qu'ils ne puissent plus tenir les yeux ouverts ni par conséquent le voir ; il se glisse juste derrière eux et leur souffle dans la nuque, alors leur tête devient lourde, lourde — mais ça ne fait aucun mal, car Ole Ferme-l'œil ne veut que du bien aux enfants — il veut seulement qu'ils se tiennent tranquilles, et ils le sont surtout quand on les a mis au lit.

Quand les enfants dorment, Ole Ferme-l'œil s'assied sur leur lit. Il est bien habillé, son habit est de soie, mais il est impossible d'en dire la couleur, il semble vert, rouge ou bleu selon qu'il se tourne, il tient un parapluie sous chaque bras, l'un décoré d'images et celui-là il l'ouvre au-dessus des enfants sages qui rêvent alors toute la nuit des histoires ravissantes, et sur l'autre parapluie il n'y a rien. Il l'ouvre au-dessus des enfants méchants, alors ils dorment si lourdement que le matin en s'éveillant ils n'ont rien rêvé du tout.

Et maintenant nous allons vous dire comment Ole Ferme-l'œil, durant toute une semaine, vint tous les soirs chez un petit garçon qui s'appelait Hjalmar. Cela fait en tout sept histoires puisqu'il y a sept jours dans la semaine.

Lundi

— Écoute un peu, dit Ole Ferme-l'œil le soir lorsqu'il eut mis Hjalmar au lit, maintenant je vais décorer ta chambre. Et voilà que toutes les fleurs en pot devinrent de grands arbres étendant leurs branches jusqu'au plafond et le long des murs, de sorte que la pièce avait l'air d'une jolie tonnelle. Toutes les branches étaient couvertes de fleurs chacune plus belle qu'une rose embaumant délicieusement, et s'il vous prenait envie de la manger, elle était plus sucrée que de la confiture. Les fruits brillaient comme de l'or et il y avait aussi des petits pains mollets, bourrés de raisins, c'était merveilleux. Mais tout à coup, des gémissements lamentables se firent entendre dans le tiroir de la table où Hjalmar rangeait ses livres de classe.

— Qu'est-ce que c'est ? dit Ole.

Il alla vers la table, ouvrit le tiroir. C'était l'ardoise qui se trouvait mal parce qu'un chiffre faux s'était introduit dans le calcul, le crayon d'ardoise sautait et s'agitait au bout de sa ficelle comme s'il était un petit chien, il aurait voulu corriger le calcul mais il n'y arrivait pas. Et puis il y avait le cahier d'écriture de Hjalmar, il se lamentait en dedans que ça faisait mal de l'entendre ! Sur chaque page il y avait des lettres majuscules modèles, chacune avec une petite lettre à côté d'elle formant une rangée modèle du haut en bas, et à côté de celles-là, il y en avait qui croyaient être semblables aux modèles, c'étaient celles que Hjalmar avait écrites, celles-là allaient tout de travers comme si elles avaient trébuché sur le trait de crayon où elles auraient dû se poser.

— Regardez ! Voilà comment il faut vous tenir, disait le modèle, comme ça, à côté de moi, d'un seul trait.

— Oh ! nous voudrions bien, disaient les lettres de Hjalmar, mais nous n'y arrivons pas, nous sommes très malades.

— Alors, il faut vous purger, disait Ole Ferme-l'œil.

— Oh ! non, non, criaient-elles.

Et les voilà debout toutes droites que c'en était un plaisir de les voir.

— Mais maintenant nous n'allons pas raconter d'histoire, dit Ole Ferme-l'œil. Il faut que je leur fasse faire l'exercice !

Un deux, un deux ! il fit faire l'exercice aux lettres. Elles se tenaient aussi droites, étaient aussi bien constituées que n'importe quel modèle, mais une fois Ole Ferme-l'œil parti, quand Hjalmar alla les voir, elles étaient aussi lamentables qu'auparavant.

Contes merveilleux, Tome I - Hans Christian AndersenWhere stories live. Discover now