Sans elle (VIII)

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Peu avant le début des partiels, Eunha me donna rendez-vous dans un café proche de la fac où nous étions déjà allés. Je me noyais dans les révisions pour éviter de penser à la tournure catastrophique que prenait notre non-relation et dans un tel contexte, son invitation était un don du ciel. 

Je me souviens lui avoir trouvé un air enjoué, un joli teint, un sourire ravissant. Nous reprîmes nos bavardages habituels, ceux qui m'avaient tellement manqués les semaines précédentes. Le ton de la conversation me rassura au fur et à mesure, et pendant qu'un regain d'espoir chassait la tristesse tapie dans mon ventre, elle lâcha la bombe. Une bombe à hydrogène de soixante mégatonnes. Du moins, c'est l'effet qu'elle me fit.

Je visualisai Taehyung en uniforme de pilote militaire me faire coucou du haut de sa cabine avant de descendre en piqué. Lui, il pilotait le bombardier.

- Jungkook.

Eunha voulut me tirer de ma rêverie mais c'était trop tard, j'avais besoin d'être dans un état second, je ne pouvais pas être assis avec elle, il fallait que je me retire en moi-même. La réalité n'était pas supportable. Elle allait flinguer ce qui restait de mon cœur.

- Je vais accepter sa proposition.

- Tu l'aimes ?

Je ne savais pas par quel miracle, mais je réussissais à parler. Une sorte d'instinct avait pris les commandes et formulait les phrases à ma place.

- Oui.

Elle avait l'honnêteté et le courage de me le dire dans les yeux. Elle ne baissa pas la tête. Elle n'avait pas l'air fière non plus. Elle ne faisait que constater. C'était horrible.

- Tu m'aimes ?

- Oui.

Mes bras tremblaient jusqu'au bout des doigts. Je les plaquais sur la table ronde du café pour essayer de les maîtriser.

- Pourquoi tu vas avec lui, alors ?

- Parce qu'il me l'a demandé.

Mon cerveau se mit à trier les informations à toute vitesse. Tout ce qu'Eunha m'avait dit sur la fidélité, tout ce qu'elle avait toujours dit détester. Et Taehyung l'avait parce qu'il l'avait demandé ? Simplement ? Au milieu de ma douleur, je sentis poindre la colère. La jalousie. Le sentiment d'injustice. Eunha et moi n'étions pas ensemble parce que nous voulions être libre. C'était ce qui était convenu.

- Et si je te le demandais ?

- Tu vas le faire ?

Elle ne détachait pas ses yeux des miens. Je passai ma langue sur mes lèvres, réfléchissant toujours à toute allure. C'était tout ce qu'elle trouvait à dire ? N'avais-je pas assez fait pour elle ? N'avais-je pas déjà tout accepté ? Fallait-il en plus que je rampe, dans ce café, que je m'abaisse à demander la même chose que ce Kim putain de Taehyung à qui on servait tout sur un plateau d'argent ?

Je me suis longtemps demandé ce qu'Eunha aurait fait si je n'avais pas été aussi fier, aussi triste, aussi abattu. Si j'avais été capable d'agir et que je lui avais dit "Oui, sors avec moi." Est-ce qu'elle aurait viré Taehyung et qu'elle m'aurait choisi ? Je ne sais pas. Elle nous aimait tous les deux, mais quoiqu'il en soit, je l'ai perdue ce jour-là.

J'aurais aimé qu'elle se jette à mon cou, qu'elle me montre à quel point elle tenait à moi, à quoi elle était prête pour me garder, qu'elle me dise encore que c'était moi et moi seul et que nous deux c'était pour toujours. Je voulais sentir encore la force de son amour. Je croyais que ma place de préféré ne serait jamais prise par un autre.

Taehyung n'était même pas en haut de la liste, c'était pire que ça. Il était désormais le seul à y figurer.

Jusqu'à ce qu'il soit l'heure de nous quitter, Eunha me servit tout un baratin sur l'importance que j'avais dans sa vie, à quel point j'étais un garçon bien et précieux et que rien ne nous empêchait de devenir amis.

Quand la nuit tombeWhere stories live. Discover now