II

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La liste était bien là, sous ses yeux, et ne mentait pas. Treize lettres, six syllabes, deux mots, un nom qu'il n'avait pas vu depuis des années et qu'il n'avait proprement pas envie de revoir. En l'occurrence Kageyama Tobio, aka le génie du volley-ball, son cadet au collège, son rival au lycée, et depuis obscurément devenu une star du terrain à l'internationale.

C'était un léger choc. Il n'était pas prêt à revoir Tobio là maintenant tout de suite, et songea à appeler Iwaizumi pour se plaindre à son aise pendant de longues minutes –mais impossible, il était au travail, son horaire venait de commencer, et un retard dès le premier rendez-vous nuirait à sa réputation. Il inspira profondément pour se donner du courage, et, ne sachant à quoi s'attendre, appela Kageyama Tobio d'une voix aussi neutre que possible; prononcer son nom de famille, plutôt que son prénom suivi d'un suffixe au choix affectueux ou méprisant, lui sembla bizarrement étranger.

La première chose qu'il ressentit quand Kageyama arriva devant lui fut de la satisfaction : il était toujours le plus grand des deux, à très peu de choses près, voire très très peu, mais tout de même ! Le vieil esprit de rivalité le reprenait. Il n'eut pas le temps d'analyser ce nouveau Tobio que cette voix, qu'il n'avait pas entendue depuis des années, coupa ses pensées :

-Quoi, c'est toi ?

Oikawa lui renvoya un regard ennuyé. Tobio était toujours le même –mêmes cheveux noirs raides et soyeux, même yeux bleus perçants, seulement était-il un homme accompli à présent, la mâchoire plus carrée, la musculature plus développée. Pas fondamentalement désagréable à regarder.

-Tu connais beaucoup d'Oikawa Tooru, Tobio-chan ?

Kageyama grommela quelque chose au sujet de n'avoir pas pris le rendez-vous lui-même, et qu'il n'en savait rien, il avait juste suivi l'adresse –le tout dans un marmonnement inaudible qu'Oikawa ignora totalement en le faisant entrer dans son cabinet.

-Bon, qu'est-ce que tu veux ?

Il joignit ses mains sur son bureau dans une attitude hautement professionnelle et haussa un sourcil en direction de son ancien cadet. Tobio semblait un peu perturbé de le voir dans ce cadre tellement différent de d'habitude –pas de filet, pas de ballons, pas de cris de supporters- et afficha une moue prononcée avant de lâcher du bout des lèvres :

-Je crois que je suis malade.

Oikawa soupira. En général, les gens qui allaient chez le médecin étaient malades.

-Et qu'est-ce qui te fait penser ça ? demanda-t-il en sortant un carnet.

-Sakusa.

-Hein ?

Le charabia purement kageyamesque commençait.

-Sakusa, le champion de mon équipe, explicita Tobio. C'est lui qui me l'a dit.

-... Tu sais que tu es malade parce que quelqu'un d'autre te l'a dit ?

-C'est un pro, déclara Kageyama d'un ton sérieux.

Deuxième soupir en quinze secondes.

-Super. Du coup, il pourra sûrement t'ausculter mieux que moi. Ça fera 28€, merci, au revoir Tobio-chan.

-Non, attends ! protesta Tobio. Il me l'a juste dit. Mais il est un peu, comment on dit, hypocondriaque ? Du coup, il ne veut pas trop m'approcher...

-Et qui te dit que moi, je veux t'approcher ?

-C'est ton métier !

Ils échangèrent un regard de défi. Troisième soupir.

-Bon. Qu'est-ce qui fait dire à Sakusa que tu es malade ? Tu as l'air en pleine forme.

Liquide ou Carte BleueWhere stories live. Discover now