Partie VI : Hjartafell - Chapitre 65 : Les Plaies Brûlantes

104 8 4
                                    







Depuis l'horizon des vagues interminables de soldats en uniforme noir se déferlaient sur les rangs inférieurs en nombre des Vardens. Les étendards sinistres de l'Empire flottaient au-dessus des têtes, parfois absorbés par les vapeurs du combat ou les relents immondes qui donnaient leur nom aux Plaines Brûlantes.

Jéna dévia la lame qui visait son épaule puis, d'un rapide tour sur le talon, se retrouva derrière son assaillant. Ce dernier, trop lent, se retournait tout juste lorsqu'un coup de pommeau le percuta sous le menton. Il s'effondra, assommé. La jeune fille sans reprendre son souffle repartit dans la mêlée, porter assistance à deux Vardens qui luttaient contre cinq soldats ennemis. A eux trois ils sortirent rapidement vainqueurs, les Vardens n'ayant pas l'occasion de remarquer que deux de leurs adversaires n'étaient pas morts.

Depuis des heures, depuis le début de cette bataille, aucun mort n'avait souillé Vol'Soupir. La jeune fille n'avait pu tuer quiconque quoique l'horreur du champ de bataille efface la conscience humaine et ne laisse que des bêtes contre d'autres bêtes. Sous le dôme de Farthen Dûr elle avait ôté la vie à de nombreux Urgals, mais il lui avait suffi de voir en eux les monstres dont on leur prêtait le nom. Elle n'avait pu jusqu'alors faire de même à ces hommes qui ressemblaient à tous ceux qu'elle avait toujours côtoyés. Au lieu de cela, elle faisait son possible pour mettre hors d'état de nuire ses adversaires, les faisant perdre connaissance, s'enfuir, embrouillant leur esprit pour qu'ils jettent leur arme et errent inconscients, inoffensifs à travers les combats.

Cependant cette façon d'agir, inappropriée en temps de guerre, lui causa autant de tort qu'elle épargna sa conscience. Elle ne manqua pas souvent sa cible, mais parvenir à l'éliminer du combat sans lui ôter la vie n'était pas chose aisée. Un coup dans le cœur, une gorge tranchée face à ces soldats moins forts, aurait été rapide à réaliser, tandis que trouver le moyen de les faire tomber sans jamais leur faire de réel mal prenait du temps. Du temps perdu alors que ses alliés, ses amis, avaient besoin qu'elle agisse vite et bien.

La jeune fille se servait de l'enseignement de Bjart Eyreya, laissant la brise la parcourir pour alléger la lourdeur de son bras ou effacer la faiblesse qui rongeait sa jambe. Sans elle, elle ne sait pas combien de temps elle aurait pu se battre. Néanmoins elle n'en abusait pas car, elle n'avait pas la moindre idée des effets qu'elle pourrait ressentir à user pleinement de ce pouvoir des heures durant alors que son corps et son esprit devaient se concentrer sur la bataille. La magie n'était pas son ennemie, mais elle ne devait pas la prendre à la légère.

Etendant son esprit elle continua sa recherche des sorciers de l'Empire. Elle avait accepté de prêter main forte au Du Vrangr Gata, l'ordre des magiciens des Vardens, pour identifier leurs ennemis. Elle en repéra un tout près. Pénétrant sa conscience elle se retrouva face à un mur de défense opaque, infranchissable au premier abord. Mais avant que le mage ne l'attaque à son tour, une furieuse bourrasque balaya les plaines, et il s'écroula sur le sol, inconscient.

Jéna retourna à la réalité du terrain devant elle. Quelques secondes à peine s'étaient écoulées. A vingt pas sur la droite, un soldat portant le blason de Galbatorix retirait son épée du corps d'un Urgal. Plusieurs hommes étaient morts aux pieds de ce dernier. La jeune fille porta son regard sur la créature, ne sachant s'il fallait éprouver de la tristesse ou du dégoût. Qui aurait pensé que les Kulls, un jour, s'allieraient aux Vardens pour tenter de vaincre le roi félon ?!

L'homme s'avança vers elle et brandit son épée. Son armure était abîmée et une grande éraflure lui barrait la joue en deux ; il ne portait plus de casque. Il venait de tuer un de ses alliés, mais la jeune fille ne pouvait se résoudre à enfoncer son épée dans son corps. Elle ne voulait pas croiser son dernier regard car, elle sentait déjà peser sur elle le poids de ceux qui jonchaient le sol de part et d'autre. Elle avançait dans le sang, ses vêtements en étaient imbibés, ses chausses recouvertes, ses cheveux collés à son front gouttaient de sueur rougie.

Fanfiction Eragon - Les Liens du Destin - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant