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La banlieue est un territoire de grande solitude. La banlieue n'est pas un espace de chair et de béton, ce n'est pas une vaste plaine fertile et encore moins un long fleuve tranquille. La banlieue, c'est un archipel. Un archipel d'hommes abandonnés, isolés les uns des autres. La banlieue, ça ne se traverse pas, ça se survole seulement. Elle n'existe que dans l'imaginaire collectif et dans les yeux des oiseaux.

Le nord de Paris est un entrelacs complexe de réseaux routiers, ferroviaires, de canaux, d'espaces pavillonnaires et de HLM. Un grand bordel que même Google Earth ne peut pas démêler. Tout ce qui existe dans le ciel disparaît au contact du sol et redevient chaos. C'est ça, la banlieue : des immeubles, des routes, des parkings et des hommes. C'est Saint-Denis. Les Francs-Moisins.

Saint-Denis n'est pas une commune mais un agglomérat de quartiers, un vaste archipel urbain. Toutes les îlots qui forment la ville ne se côtoient pas. Entre eux coulent le monde, le canal, l'autoroute et la ligne de RER. Il faut faire un détour pour passer d'un quartier à un autre. Alors on ne bouge pas. Les gens restent chez eux et ils attendent. Ils appartiennent à une ville qui ne leur appartient pas. Ils patientent, bercent leur solitude sur leur île, faute de bateaux pour s'échapper et découvrir de nouveaux horizons. Dans ce petit monde refermé sur lui-même, on s'observe, on se scrute et on se méfie des peuples d'à côté. On jette un œil inquiet sur les quartiers voisins.

La cité des Francs-Moisins est coincée entre le canal et l'autoroute A1. Ces deux larges bras d'eau et de bitume ceinturent le ventre du quartier jusqu'à l'étouffer. On ne franchit ni l'un ni l'autre. On regarde l'horizon sans s'y aventurer et y on craint le monde. Cet îlot de misère s'est protégé en se fortifiant. Il adressé de hautes murailles de béton entre lui et l'extérieur. Tout autour, le monde s'agite, les marchandises franchissent les frontières et les hommes chevauchent les continents. Pas ici. Ici on s'enferme et on observe ce ballet moderne à la télé. Les Francs-Moisins, c'est comme un îlot perdu de l'archipel des Andaman, un îlot peuplé de cannibales refusant toute présence étrangère ; qui cherche à entrer ou sortir de ce petit monde interdit sera découpé à grands coups de hache et dévoré vivant.

ADIEU ZIDANEWhere stories live. Discover now