ADIEU ZIDANE

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Ça sent bon les parfums Séphora dans la chambre de Sarah. Les fragrances artificielles d'iris, de jasmin et de fleur d'oranger y répandent l'illusion d'un éternel printemps. Du haut de ses dix-sept ans, Sarah est coquette comme une adolescente en manque de prince charmant. Des posters d'acteurs à la mode tapissent les murs de la pièce. C'est pas Hollywood mais une petite fenêtre ouverte sur ses grands rêves. Mais c'est mort pour ce soir : pas de série américaine à regarder. Elle n'aura pas le temps car elle galère depuis plus d'une heure sur son exercice d'algèbre. Elle se ronge les ongles par crainte de devoir y passer la nuit. Heureusement que Thierno est passé lui filer un coup de main.

— C'est pas compliqué, je te dis : tu appliques la formule et après tu n'as plus qu'à tracer la courbe de la fonction sur ta feuille. Regarde, je te montre...

Leurs mains se frôlent. Elle le laisse faire et se contente de le regarder, sans rien comprendre mais en souriant. Sarah kiffe trop Thierno. Il est tellement gentil qu'il finit toujours par faire le boulot à sa place. Thierno est fort en maths. D'ailleurs, Thierno est fort en tout, même en foot, et cette capacité à tout réussir impressionne Sarah. Pourtant, dieu sait à quel point elle déteste le foot. Il faut dire qu'on ne parle que de ça dans sa baraque. Quatre frères tripoteurs de ballon et un père président du club local, ça vous transforme les repas du dimanche en causerie de bar-PMU. Leur salon, elle l'a surnommé « le Balto ». C'est pas de la pelouse, c'est de la moquette, mais les soirs de matchs, ça pue le tabac, la bière et la sueur juvénile, comme dans une tribune de stade.

Thierno pratique aussi ce sport de cons mais, lui, ce n'est pas pareil. Il est si différent de ses frères et de tous les mecs du quartier. Thierno est plus qu'un ami, il est la sœur dont elle a toujours rêvé : gentil, délicat, fragile, avec de longs bras maigres et une voix si douce. Il ne s'énerve jamais, ne parle que des belles choses et reste capable de s'émerveiller de la forme des nuages. Dans cette banlieue sauvage, il est un être atypique. Souvent, sur le chemin du lycée, il lui prend la main et lui parle de parfums, de bijoux et du dernier prime de Danse avec les stars. Il n'est pas son amoureux et ne le sera jamais, elle le sait. Thierno n'est ni homme ni femme, ni noir ni blanc, juste un oiseau aux longues ailes délicates qui vole au-dessus de la cité et elle, elle s'accroche à lui pour caresser les nuages. Elle aime ses gestes maniérés et sa façon si particulière de marcher, imitant la noblesse et le dédain des chats. Ses frères le traitent de petit pédé qui roule du cul mais ce sont des crétins. Sarah adore Thierno. Qu'il soit pédé ou pas, elle s'en fout.

—Allez Thierno, pose ton crayon ! Ça me gonfle ! J'en ai marre des maths. On va faire autre chose.