⊰ Chapitre 54 ⊱

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Je ne sais pas à quel moment nous avons commencé à parler.

Cela s'est fait naturellement, dans une étrange atmosphère. Plongés dans notre bulle, les mots sont sortis, limpides. Dans une chambre fermée au monde extérieur deux âmes en peine se sont racontées leurs secrets. Ce n'était qu'un chuchotement au début. Je ne pense pas que je l'écoutais vraiment. Mon attention était portée sur sa respiration, sur les battements de son coeur, sur ses mouvements. Tout mes sens se sont réveillés en prenant conscience de lui à part entière. Son odeur, la chaleur de son corps, la couleur de sa peau. Il est là, à mes côtés. Un sentiment de paix s'est alors lentement diffusé et mes épaules se sont relâchées. Mes tremblements se sont arrêtés et captivée par Nate, je le redécouvrais. Ses mots ont fini par prendre un sens et je l'ai écouté. Puis je lui ai répondu dans un murmure jusqu'à ce que nos voix prennent plus de force.

Je crois que j'en avais besoin, de cette conversation. Elle a levé le voile sur un océan de mystères que je ne soupçonnais pas et a apporté des réponses à Nate. 

«− Le garçon sur la photo. C'est...

− Celui qui m'a sauvé la vie.

− C'est mon frère.

− Je sais. »

Je n'ai pas réussi à être surprise. Je ne le pouvais pas. Je n'en avais pas la force. J'étais las, paisible et prête à tout entendre.

«− Il parlait souvent de toi. Il répétait constamment à quel point il était fier d'avoir une petite soeur comme toi. Il t'aimait.

Je me rappelle avoir souris, les yeux embués de larmes. Je ne pleurais pas mais je ne pouvais nier l'émotion qui me traversait. Cela me faisait chaud au coeur tout en me gênant légèrement. Mais c'était une gêne propre à un amour familial, celle que l'on ressent lorsque ses parents vantent nos mérites ou déplorent nos déboires à leurs amis alors qu'on à leurs côtés.

− Il me montrait des photos de toi, de votre famille, d'ici. Il me faisait rêver en me parlant d'une ville paisible, loin de la mer mais agréable. 

Il avait pris une de mes mèches de cheveux et jouait avec, l'air songeur, presque timide. 

− Le petit  garçon que j'étais est tombé amoureux de toi.

J'avais relevé la tête pour le dévisager, demandant plus d'explication. Une pensée m'avait traversée l'esprit comme une flèche.

"Adorable. Hein? Comment ça?"

− Il m'a montré une photo de toi prise à ton anniversaire. Tu souriais. Je n'avais jamais vu une fille aussi heureuse et aussi jolie. En plus de tous les compliments que j'entendais, je ne pouvais que penser que tu étais géniale. Tu as été mon premier crush.

Il avait bougé légèrement pour rapprocher son visage du mien, un sourire léger sur les lèvres.

− Tu l'es toujours. 

Mes joues auraient pu s'empourprer mais je suis restée de marbre. C'était une déclaration charmante, bien que spéciale. Un sentiment bizarre : celui de se savoir aimé mais de l'avoir été à distance, sans rien connaître de l'autre. Si je n'avais pas passé autant avec Nate je l'aurai probablement repoussé, jeté hors de mon lit et crié à l'aide. Je l'aurai peut-être jugé comme un stalker, un être à éviter, un fou. Mais ce n'était pas le cas. Je le savais vrai, je le savais touchant. Connaissait-il cependant le dénouement tragique de cette belle histoire?

− Il est mort, avais-je dit d'un trait. 

Il ne m'avait répondu que par un regard douloureux. Il savait. Il l'avait toujours su. Ils n'avaient pas couper les ponts quand ils s'étaient séparés. Par mail ou par lettre ils avaient gardé contact, échangeant régulièrement. Puis un jour, plus rien. Il avait attendu, il avait appelé et on lui avait annoncé la triste nouvelle.

Par ma faute, avais-je ajouté, ma voix se brisant. 

Il avait secoué la tête avant de me serrer contre lui. 

− Non.

C'était sa seule réponse. Alors je lui ai expliqué, retenant mes sanglots. Je lui ai raconté la scène, comment cela s'était passé, pourquoi j'en étais responsable. 

Non», avait-il répété.

Ce n'était qu'un simple mot, une négation qui changeait mon histoire. Il ne pouvait me faire changer d'avis aussi simplement. J'en étais persuadée depuis des années. Je voulais qu'il me comprenne, qu'il accepte ce fait. J'ai continué à lui parler. Je lui ai raconté l'implosion de ma famille, ma mère qui prenait ma défense, mon père qui me tenait coupable. Leur divorce, la rage, la tristesse, la terreur. Le choc. La dépression. 

Pendant que je parlais il me caressait le bras, traçant des cercles dans un geste doux. Il ne disait rien, laissant mes pleurs se mêler à mon récit. Il savait à quel point c'était dur. Il pouvait l'imaginer. Il voulait être là, il était présent alors que je dénonçais le poids qui me rongeait depuis tant d'années. A la fin je me sentais plus libre. 

Nous avons continué à parler tandis que le soleil se couchait. Nous avons tant parlé que le temps s'est arrêté.

* * *

Je le fixe, le regard perdu dans le sien. La discussion s'est arrêtée. Il a toujours ce sourire au coin des lèvres, toujours cette lueur amoureuse dans le regard. On se rapproche et ses lèvres se posent sur les miennes.

Il sait. Il est de ceux qui reste. Il est celui qui m'accepte pour la personne que je suis. 

Il m'aime.


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La suite. Ça m'avait manquée.

 En espérant que le chapitre vous aura plu, merci d'avoir lu. -C.



Wake up, Sleeping Beauty !Where stories live. Discover now