4. Le méchant, c'est pas moi ! (version officielle)

2.1K 292 29
                                    

Soudain, une silhouette en blouse blanche se profile devant moi. Je ne l'ai pas entendue approcher. Sous l'insulte gratuite dont je viens de la gratifier, ses iris s'allument, avant de s'éteindre la seconde suivante. Elle adopte une attitude qui se veut professionnelle en plaquant un sourire factice sur son visage.

Je lève les yeux au ciel devant son comportement hypocrite.

– Bonjour madame Manfrey. Je vois que vous êtes réveillée.

– À défaut de ponctualité, vous êtes d'une perspicacité remarquable.

J'insuffle dans ma voix tout le mépris qu'elle m'inspire.

– Ouh là, on s'est levée du mauvais pied, tente-t-elle de plaisanter tandis que son assurance vacille.

– C'est son caractère habituel, la contredit Adam. Katheleen est une vraie peau de vache à laquelle il ne vaut mieux pas se frotter. De sa bouche ne sort que du venin. Une chance pour moi, je suis immunisé.

J'éclate de rire face à la réaction de l'infirmière qui ne se fait pas attendre. Elle me dévisage les yeux écarquillés avant de lancer une œillade sévère à l'encontre d'Adam, qui n'a pourtant énoncé que la stricte vérité.

Je suis une garce.

Devant son expression courroucée, Adam lève les mains en l'air. Je ris de plus belle.

– Hé  ! Le méchant, c'est pas moi, s'insurge-t-il.

Il dégaine son sourire ultra-bright et la couve d'un regard langoureux.

– Si vous le dites  !

L'infirmière le toise, une moue désapprobatrice aux lèvres. Elle semble hermétique à son charme.

Ah  ! Peut-être qu'elle n'est pas si stupide que ça... C'est bien la première fois que les émeraudes d'Adam, aussi vertes et flamboyantes qu'une forêt tropicale, laissent de marbre. C'est assez réjouissant. À moins qu'elle n'ait capté qu'il ne jouait pas dans la même catégorie. Bien qu'Adam prenne un malin plaisir à draguer tout ce qui bouge, seuls les spécimens barbus de plus d'un mètre quatre-vingts ont une chance de finir dans son lit.

– Je vais retirer les sangles qui vous retiennent les poignets. Les toilettes sont juste là, si vous avez besoin, m'explique-t-elle en désignant la porte à ma droite, au cas où je serais complètement demeurée et que l'envie me prendrait d'aller uriner dans le couloir.

– Vous ne pouvez pas attendre encore quelques minutes avant de la libérer  ? s'enquiert Adam, d'un coup rembruni. C'est qu'on n'avait pas fini notre discussion et...

Mon chien de garde se retourne vers lui. Si un regard pouvait tuer, il serait pulvérisé à l'heure qu'il est.

– Oubliez ce que je viens de dire, je vais juste garder un petit souvenir de cette scène, si vous voulez bien. (Ses lèvres s'incurvent tandis qu'il extirpe son téléphone de la poche avant de son jean.) «  Cheese  », se moque-t-il ensuite en me mitraillant de photos.

Je vais le tuer. Je jure que je vais le tuer.

– Monsieur, je vais vous demander de sortir. Votre hostilité envers ma patiente est intolérable.

– Je partais, justement. Kate  ? Ce fut un plaisir.

Il glousse, puis lance un regard compatissant à l'infirmière.

– Bon courage quand vous aurez lâché la bête.

Une fois détachée, je bondis hors des draps. Prise de vertige, je m'appuie contre le bureau qui jouxte le lit, inspire doucement par le nez, les yeux fermés, avant de libérer mon souffle par la bouche. L'infirmière se positionne aussitôt à mon côté. Elle me soutient par le bras  ; d'un coup de coude, je me dégage de sa prise sans ménagement.

Qu'est-ce qu'ils ont tous à vouloir me materner  ?

– Ce n'est pas judicieux de vous lever si vite. Vous avez reçu un vilain choc à la tête qui vous a assommée. Et lorsque vous êtes arrivée à l'hôpital, vous étiez si agitée que l'on a dû vous sédater.

– Je ne vous ai pas demandé votre avis.

Mon ton mordant la déstabilise un instant. Elle fronce ses épais sourcils noirs dont les poils partent dans tous les sens. La dame ne connaît pas la pince à épiler... Quoiqu'à ce stade, la débroussailleuse serait plus conseillée.

– Oui, eh bien, je vous le donne quand même. D'ailleurs, je ne vois pas où vous comptez aller dans cette tenue, rajoute-t-elle lorsque je franchis la porte de la chambre d'un pas décidé.

Je m'arrête dans mon élan. Les yeux plissés, j'avise ladite tenue.

Grrr  !

Pourquoi faut-il toujours qu'on nous affuble de cette blouse ridicule  ? J'ai une bosse à la tête, pas aux fesses  ! Alors pourquoi sont-elles à l'air  ? Il est où le rapport  ?

– Je peux savoir pourquoi je suis à poil ?

– Vous n'êtes pas toute nue, juste...

Je lui montre mon postérieur découvert en arquant un sourcil incrédule.

– C'est la tenue obligatoire. Vous avez subi une batterie d'examens, sous la demande insistante de votre patron. Mais le Dr David vous expliquera tout ça lors de son passage. C'est lui qui signera votre avis de sortie.

De mieux en mieux  !

– De quel droit vous agissez sans mon consentement  ? (Je soupire.) Non, laissez tomber, ditesmoi plutôt où sont mes fringues.

Je me sens soudainement lasse, vidée de toute énergie. Sûrement un effet secondaire de leurs cachets à la noix, néanmoins cette sensation me dérange. Ma verve, c'est tout ce qu'il me reste. Pour botter le cul de ma longue, très longue liste d'ennemis, j'en ai besoin. Si Dexter est toujours en pole position, Adam n'est pas loin derrière lui. Il va m'entendre, celui-là  !

De l'armoire, mon chien de garde sort un sachet plastique qu'elle me tend avec un sourire contrit.

– Je ne pense pas que vous puissiez en faire grand-chose.

Sa prévenance m'irrite. Je ne veux pas de sa pitié.

– Si vous pouviez arrêter de penser et garder votre avis pour vous, ce serait bien  !

Des éclairs traversent ses prunelles et embrasent le feu qu'elle masquait par son hypocrisie depuis tout à l'heure. Ah, elle montre enfin son vrai visage  ! Il lui en aura fallu du temps pour comprendre que sa gentillesse, elle pouvait s'empaler avec. Toutefois, lorsque je lorgne le contenu du sac, je constate avec amertume qu'elle a raison. Mon beau tailleur n'est plus qu'un amas de tissu sale et décousu, totalement immettable.

Mince  ! Je ne vais pas partir cul nu quand même  ?

– Et je fais comment pour sortir  ? Mes vêtements sont fichus  !

Mon interlocutrice hausse les épaules avec nonchalance devant ma hargne.

Oups. Je crois que je l'ai fâchée.

– Je suis sûre que vous avez des tas d'amis qui seront prêts à vous aider. Au plaisir de ne plus vous revoir, lance-t-elle avant de quitter la pièce sans se retourner.

Saleté  !

Elle sait très bien que non. Le seul qui serait enclin à m'aider est celui que je rêve de hacher menu.

Adam Rossi, je te hais. 

Sexy paradise Island (Édité)Where stories live. Discover now