Marguerite

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Le lendemain matin, à six heures moins cinq j'étais devant la propriété de ma tante. Il m'avait assuré connaître l'adresse et effectivement, dans un jour levant, je vis ses phares balayer la route jusqu'à s'arrêter devant moi. Il descendit de la 308 noire qu'il conduisait pour m'ouvrir la portière mais s'arrêta, comme subjugué devant moi.

J'avais longuement hésité avant de m'habiller, mais il était si gentil avec moi, si patient et compréhensif, que j'avais osé mettre une tenue que je n'aurais jamais pensé porter. Acheté au rayon femme d'un magasin, il s'agissait sans aucun doute de ma combi-short préférée, toute en coton blanc, un liseré de dentelle en bas du short et le long des bretelles, avec une paire de baskets blanche et ma veste en jean. Le short étant transparent, j'avais passé une culotte blanche, de ma « collection » secrète car je ne les portais que pour moi seul, sans jamais l'avouer à personne. Mais j'avais l'irrésistible envie de lui plaire, parce que lui me plaisait bien plus que de raison.


Il tendit la main vers moi, le visage soudain en feu même dans la lumière timide, je voyais ses pommettes d'un rouge vif alors que ses yeux ne semblaient plus trouver le chemin de mon visage. Il planta un baiser sur ma joue, toujours un peu plus bas que ma joue, un peu plus haut que mes lèvres et mon cœur s'emballait dans une course effrénée. Je lui souris, admirant sa tenue à lui, même le pull qu'il portait laissait deviner sa carrure épaisse et solide, et j'aurai voulu qu'il me serre contre lui ; mais je n'osais pas. Nous nous détaillâmes encore de longues secondes avant qu'il ne bouge.

« On monte ? »

Mon cerveau lui hurlait de m'embrasser encore, de me prendre dans ses bras, de me prendre tout court même, mais je restais silencieux et me contentais de hocher la tête.


Il m'expliqua qu'il fallait près d'une heure de route, qu'il fallait descendre près de la mer pour accéder aux énormes hangars qui accueillaient tous les dimanches des ventes de professionnel.

« Et toi tu ne vends rien ? M'enquis-je.

- Pas encore. Mon grand-père faisait ça pour le plaisir, les fleurs, ça n'a jamais été son métier. Moi je veux que ce soit le cas, je veux en vivre, mais c'est pas facile, et puis je suis tout seul. Alors monter une entreprise quand il faut tout faire, c'est pas simple. Mais je vais travailler dur et tout faire pour me faire connaître. »

Je hochais la tête, regardant le paysage défiler. Nous approchions de notre destination, les maisons se faisaient rares, tout prenait un air industriel.

« Pourquoi ne pas être resté en Irlande ? »

Il grimaça et je regrettais aussitôt ma question, mais en une seconde, il se détendit à nouveau.

« Tu sais princesse, moi je m'habille en garçon et je suis un grand gaillard qui a longtemps fait la fierté de son père. Mais quand il a découvert que moi ce qui me plaisait, c'était pas le foot et travailler dans les charpentes, mais faire des bouquets de fleurs et les hommes efféminés qui me mettaient en joie, ça ne lui a pas bien plus. Je ne me suis jamais caché, je n'ai jamais pu être autre chose que ce que j'étais. On est neuf enfants, alors pendant un temps, il ne s'est pas trop embarrassé de moi, mais quand il m'a découvert avec un gamin du voisinage avec qui j'ai grandit en... Action, il m'a foutu dehors avec un sac et mes affaires.

- C'est horrible de t'avoir fait ça ! m'écriais-je. »

Il se tourna vers moi et m'offrit un sourire triste.

« Ce sont les mœurs de l'Irlande dans encore bien des familles. J'ai pris un bus pour Dublin, j'ai travaillé quelques mois dans une boutique de fleuriste, j'ai appris ce que j'ai pu, j'ai découvert qu'être ce que je suis n'a rien de honteux. Et puis mon grand-père est décédé, et c'est à moi qu'il a tout laissé. A moi seul, pas à ses enfants, ou ses autres petits enfants. A moi seul. »

Boy who loves Flowers (BxB)Where stories live. Discover now