Pensées d'une Nyctophile

La Pression Sociale

Dans une société dans laquelle il y a des humains, il y a forcément des étiquettes. Il y a des gens cool, des gens pas cool, des gens admirables et des gens méprisables. Je pense que la société est un tribunal géant. Vous y entrez, prononcez quelques mots et des individus qui ne vous connaissent ni d'Adam ni d'Eve se permettent de vous attribuer un titre, qui, faux ou véritable, vous représentera. Comme un accusé étant jugé innocent ou coupable, nous sommes tous jugés et placés dans une catégorie selon nos pensées ou nos actes. Une fois notre notoriété établie, ces étiquettes se propagent comme la gangrène, partout où nous passons, partout où nous allons, jusqu'à brouiller notre propre personne. Une personne jugée coupable ne l'est pas forcément. Mais les gens ont besoin d'un coupable, d'un criminel, de ragots auxquels croire. Les journaux ont besoin de faire tourner des histoires folles, les gens ont besoin de tirer des conclusions hâtives, quelles qu'elles soient. Une fois notre jugement fait et notre étiquette attribuée, nous sommes condamnés à les supporter. Les populaires, les cas sociaux, les premiers de classe, les gens distingués...Il y a de tout. Mais certaines personnes essaient désespérément de changer de case au cours de leur vie.

La pression que chacun ressent au quotidien est exclusivement due aux autres. Personne n'angoisse de ne pas être politiquement acceptable s'il est seul. Mais de quoi avons-nous peur au final? De ne pas être assez bien, de ne pas être ceci ou cela. La diversité apporte pourtant tant de beauté à ce monde, même si les gens n'ont qu'un seul idéal en tête. Chacun est beau à sa manière, c'est vrai. Mais la vie a décidé que seuls quelques trains de vie peuvent réussir mieux que les autres. Combien de fois avez-vous fait quelque chose qui ne vous ressemblait absolument pas seulement pour être mieux accepté ou mieux vivre? Question difficile.

Un exemple concret qui démontre cette idée est la cigarette. Qu'apporte le tabac au corps? Le cancer. Qu'apporte-t-il à l'âme? La reconnaissance des autres. La plupart des fumeurs ont commencé avec des amis, ou alors seuls, pour impressionner les autres. À l'adolescence, être débilement influençable est curieusement vénéré. Avoir une cigarette à la main, cela procure une sensation de hors-la-loi, ça vous rend puissant, même si cela a un horrible goût et une toxicité très élevée. Si fumer n'était pas aussi admiré à ces âges, il y aurait beaucoup moins de fumeurs dans le monde. On peut remarquer la même chose avec l'alcool ou les drogues.

Une autre de ses formes peut aussi se manifester physiquement. Les gens qui ont les moyens de bien s'habiller, ceux qui ne les ont pas, ceux qui suivent la mode pour plaire, ceux qui ont un style hors du commun qu'ils n'arrivent pas à assumer...Ou tout simplement l'allure de notre corps qui n'est pas dans les critères du commun de la beauté. Mais revenons aux vêtements. Une nouvelle qui me paraît éloquente pour ce cas de figure est "La Parure" de Maupassant. Une humble femme souffrant terriblement de ne pas pouvoir profiter de belles choses et de passer du temps avec des gens plus aisés. Une fois invitée à un dîner, elle angoisse de ne rien avoir à se mettre de décent et refuse d'y aller. Cette situation peut être assez fréquente en réalité. Quelqu'un qui n'a rien de distingué se sentira affreusement jugé et mal à l'aise dans un tel événement, surtout si les autres personnes présentes sont très apprêtées, ce qui peut pousser une personne jusqu'à l'isolement.

Finalement, la pression de la société sur nous revêt des formes infinies. Mais nous pouvons tous en ressentir quelques-unes, aussi nombreuses qu'elles soient. Nous influençons tous les autres et nous sommes tous influencés a quotidien, même sans nous en rendre compte. Certains y sont plus sensibles que d'autres, mais nous sommes tous concernés par le jugement perpétuel des yeux qui se posent sur nous. Des regards condescendants et méprisants, ou admiratifs et laudatifs, nous le recevons et les distribuons. Nous suivons les autres de peur de nous perdre, et nous finissons par prendre le mauvais chemin. Sic mundus creatus est.