Chapitre 20

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Je repose ma fourchette et joue nerveusement avec ma serviette. J'évite son regard afin de reprendre mon récit sans avoir à me confronter à sa pitié.

C'était un vendredi après-midi, dernière répétition pour une représentation d'un célèbre ballet que nous devions jouer le soir même sur scène. C'était un ballet parmi tant d'autres, une chorégraphie comme une autre. La répétition se déroule merveilleusement bien et le dernier porté arrive. Je suis à l'autre bout de la pièce, je cours vers Nicolas et saute. Pour je ne sais quelle raison, il ne me réceptionne pas au bon moment. Il tente de me rattraper comme il peut, mais il est déjà trop tard.

Je ferme les yeux et inspire profondément. Mes doigts se resserrent autour de la serviette et j'ai l'impression de retourner trois ans en arrière, lorsque tout s'est arrêté brutalement. J'entends le craquement, je ressens la douleur. Je me revois au sol et je suis prise de tremblements qui m'empêchent de continuer mon histoire d'une voix claire.

Je tombe par terre, absolument pas prête à me réceptionner puisqu'il aurait dû me rattraper et la chute est si violente que mon tibia se fracture sur le coup. Je suis incapable de te décrire ce que j'ai ressenti sur le moment. J'avais terriblement mal, mais j'ai surtout compris que c'était terminé pour moi, que je pouvais dire au revoir à cette représentation et à toutes celles qui devaient suivre. Je pouvais dire au revoir à mon rêve de devenir un jour étoile et les portes de l'Opéra allaient se refermer derrière moi. C'était fini.
Qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ?
Pleurs, douleur, hôpital, opération chirurgicale, vis et plaques bref, il a fallu réparer mon tibia. Ma jambe a dû être immobilisée quelque temps, mais sincèrement, j'avais plus mal au cœur à l'idée de ne plus pouvoir danser qu'à mon tibia. Puis il y a le coup fatal. Le soir même, ma mère m'a annoncée être atteinte d'un cancer et c'est toute ma vie qui s'est écroulée.

Je lui souris tristement tandis qu'il vient déposer sa main par-dessus la mienne. Ouais, c'est là que tout s'est écroulé. Lorsque j'ai compris que je ne danserais plus avant un long moment et que ma mère allait devoir arrêter, elle aussi.

Nous avions exécuté ce porté un nombre incalculable de fois, reprends-je en jouant avec les aliments dans mon assiette. Il n'y avait jamais eu de problème. Nous connaissions tous les deux les risques, mais nous avions toujours fait très attention. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais une chose est sûre, à ce moment-là, il n'était pas concentré.
Il ne t'a jamais rien dit ? Comment peut-on se déconcentrer à un moment aussi important ?
Je ne sais pas... Enfin bon, c'est du passé.

Je détourne le regard et me remets à manger, espérant couper court à la conversation. Moi aussi, je me suis souvent posé la question, mais je n'ai jamais eu la réponse. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé et je ne le saurai probablement jamais.
Je relève la tête et remarque que Jayden s'est remis à manger, lui aussi. Je lui en suis terriblement reconnaissante de ne pas poser davantage de questions, ni d'insister parce que je n'ai pas le courage de prolonger cette conversation.

Les plats s'enchaînent, tous plus succulents les uns que les autres, et nos conversations restent légères et futiles. Nous trinquons à notre audition réussie et aux quarts de finale qui nous attendent et lorsque le dessert arrive, je pense qu'il est temps pour moi de lui poser mes questions. Lui aussi, me doit quelques explications, et même si j'ai encore énormément de choses à lui raconter, il est finalement préférable d'évoquer un seul sujet à la fois et que nous partagions nos secrets à part égale.

Et toi, alors ? La danse ? Ça te vient d'où cette passion ?
D'un concert, sourit-il.
Comment ça ?
J'ai toujours aimé la musique et m'agiter sur les sons qui passaient à la radio lorsque j'étais plus jeune. Un jour, mon père m'a amené voir le concert d'une de mes artistes préférée et finalement, la seule chose qui a attiré mon attention, ce sont les danseurs derrière. Ils avaient l'air tellement... libre et heureux. Ouais, ils avaient l'air heureux. En rentrant chez moi ce soir-là, j'ai décidé que, moi aussi, je voulais danser, que moi aussi, je voulais être heureux.
Et qu'est-ce que tu as fait ?
Je l'ai dit à mon père le lendemain et il a souri. Je crois qu'il a pensé que ça me passerait, que c'était juste comme ça. Finalement, j'ai insisté auprès de lui et il m'a inscrit dans un club de danse de hip-hop. En grandissant, j'ai décidé de tenter un cours de danse classique en cachette. J'en ai suivi quelques-uns, mais ça ne m'a pas vraiment plu, alors je suis resté sur le hip-hop, la danse de rue et quelques danses de salon.
Et ?
Et ça me plaisait vraiment. Mon père ne s'y intéressait pas trop, il me laissait vivre ma vie sans prêter attention à tout ce que je faisais. J'étais libre de choisir mes passions. Puis, un jour, ma mère m'a vu danser. Pour la première fois, mon club devait se produire pour le 14 juillet. Il y avait une fête d'organisée dans ma ville. Lorsque je suis descendu de scène, ma mère m'a traîné jusqu'à la maison et elle m'a enfermé dans ma chambre. Elle a crié toute la soirée que je faisais honte à la famille, que la danse n'était qu'une connerie, que j'allais rater ma vie si je continuais ainsi. Je devais devenir avocat comme elle, comme eux, et rien d'autre.
C'est horrible...
Elle m'a même menacé de me foutre à la rue si je remettais un jour les pieds dans un club de danse.
Tu avais quel âge ?
14 ans. Et comme l'enfant apeuré que j'étais, j'ai arrêté la danse pendant quatre ans.

Heartbreaking dance - TOME 1-Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang