Futur incertain

First Burn

A-t-on jamais vu pareille fumée ? Une horrible fumée pour de si belles flammes. Elles continuaient une valse endiablée, intouchables par ce qui pouvait les entourer. Mais le feu est narcissique et égoïste, il ne peut y avoir que lui, lui seul à jamais. Alors il prend ce qu'il se pense dû, l'espace, et détruit tout sur son chemin.

Ce jour-là ce fut ma demeure qui s'opposa à lui, elle se dressait fièrement, elle et ses habitants avaient défiés déjà tant de monde qu'ils se croyaient au-dessus de tout. Et ils payèrent de toutes ces années d'insolence.

Je fus épargnée, enfin... Épargnée est un grand mot. Pour ce que je vis actuellement, je n'ai pas été épargnée. La mort semble en effet si douce face à la vie qui s'annonce.

Mais revenons à cette soirée, je revenais de chez les Leckie, j'y avais séjourné pour prendre des nouvelles de mon cher Stewart, il s'était marié à Jean un an auparavant. J'en souffrais toujours autant d'ailleurs, je souffrais aussi du manque d'amour en retour que lui portait Jean. Il n'avait été qu'un pari pour elle, et elle le gagnait comme à chaque fois. Je pense que c'est à partir de cette période que nous n'avons plus eu que des relations cordiales elle et moi; après tout, je l'avais suppliée de ne pas lui faire ça. Peut-être sont-ce mes paroles qui l'ont encore plus encouragées à réaliser ce défi. Qui peut savoir ?

Mais je m'égare encore.

Je marchais, j'ai senti l'odeur épouvantable, les yeux me piquaient et je respirais mal. Si, loin de ma maison je ressentais ça, aucune personne dans le foyer ne pouvait y survivre. Ils avaient une nouvelle fois organisé un repas de famille, cela relevait plutôt de l'ordre du banquet. Toutes les sorties possible avaient été barrigadées de l'extérieur. Pourquoi et comment ? Les inspecteurs n'ont sûrement pas trouvé ça assez suspect pour se poser ces questions. La rue paisible face aux jardins alentours, à nos jardins, aux éclats de voix désespérés qui avaient pourtant depuis longtemps cessé d'avoir une origine, au bois, à la façade, aux objets de valeurs, aux personnes qui n'en avaient plus, à mon monde, qui crient tous un appel se perdant à jamais.

Les dompteur de feu étaient déjà sur place. Je n'ai pas pleuré une seule fois. Comment l'aurais-je pu ? Quand vous perdez tout et qu'il ne vous reste plus que vos larmes, à quoi sert-il de les gaspiller ?

Et cela était vrai, je perdis tout ce jour-là. À cause des flammes ? Voyons, le feu n'est qu'un pantin trop sûr de lui pour s'en rendre compte. Deux choses s'en servent à leur guise: la nature, et l'homme. Cette fois-ci c'était l'homme j'en étais sûre, j'avais des preuves. Ce feu était volontaire. Mais à quoi bon le montrer aux inspecteurs ? La prison ne sierait jamais à ces malfrats; non, il leur fallait une punition à la hauteur de leur Crime. Je rendrai justice moi-même. Je les détruirai, mentalement et physiquement. J'exterminerai ces nuisibles jusqu'au dernier.

Je veux les voir brûler.

J'avais désormais un travail.

Que la vie que l'on a voulu m'enlever commence.