Prologue

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Assis sur la méridienne, il attendait depuis de longues minutes que son hôte l'invite à entrer dans le bureau

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Assis sur la méridienne, il attendait depuis de longues minutes que son hôte l'invite à entrer dans le bureau. Impatient d'en découdre, il savait qu'il ne pouvait pas refuser une nouvelle fois. Sa jambe droite était secouée dans un petit mouvement saccadé trahissant l'anxiété qui l'habitait. Les coudes sur ses cuisses et les mains croisées sous son menton, il fixait le tableau face à lui. La peinture se craquelait sur les bords. Le vernis scintillait légèrement sous les lumières artificielles. Les pigments se fondaient naturellement dans les fibres imperceptibles.

Le Christ reposait sur sa croix. Le visage délicatement penché, il souriait même dans la mort. À ses pieds, des femmes tendaient éperdument les bras. Elles pleuraient et gémissaient. L'artiste avait magnifié le Christ. Sa peau diaphane contrastait avec le fond nuageux et apocalyptique, elle dévoilait une maigreur excessive. Le messager de Dieu avait sacrifié sa vie pour faire apparaître la Vérité.

Il abandonna la mère vierge, la magdaléenne et leur messie pour englober d'un seul regard la petite pièce du presbytère, avec vaine lassitude. Il détestait venir à Berlin, mais discuter les ordres lui paraissait inconcevable. On le désirait en ce lieu, il s'y pliait. C'était sa troisième visite, et comme à chaque fois, l'odeur du vieux parquet ciré lui piquait les narines. Le choix n'était jamais une option. Il le rencontrerait encore, et cette fois-ci, il devrait se décider. Un craquement sur sa droite le fit se retourner. La porte du bureau de l'Archevêque s'ouvrit péniblement.

Un homme en soutane violette apparut, le visage fermé. Il se leva d'une traite. Il s'en voulut un instant de se montrer pressé, puis se rappela que tous les deux espéraient en finir au plus vite.

– Bonjour, mon fils. As-tu fait bon voyage ?

– Bonjour, Monseigneur, plutôt agréable, répondit-il en inclinant subtilement le buste.

– Pas de Monseigneur entre nous, tu es presque mon enfant. Suis-moi, invita l'Archevêque.

Il s'engagea derrière le religieux, qui portait aisément sa cinquantaine d'années. Il fixa une seconde la calotte violette qui coiffait son crâne garni de cheveux poivre et sel. L'ecclésiastique se doutait que son convive ne se sentait pas à son aise. Raide et impérieux, tout dans la gestuelle et le maintien du prélat rappelait au jeune homme qu'en ce lieu et ce jour il représentait l'organisation. Aussi, le quinquagénaire lui proposa de s'asseoir tout en lui servant un whisky. L'hôte s'installa sur la bergère et attrapa le verre tendu.

– Tu sais que tu ne peux pas refuser une nouvelle fois. Pourtant, la dernière aurait pu faire une très bonne candidate.

Le religieux ne cacha pas sa lassitude. Le jeune comprit que malgré l'affection que lui portait l'évêque, il ne le voyait qu'en éphèbe capricieux. C'était leur troisième rencontre à Berlin, et son Excellence pressentait qu'encore, son apprenti assis face à lui décline ses propositions. Le novice se perdit dans le liquide ambré, remuant son verre, absent. Il leva la tête vers son interlocuteur. Il entendait bien les enjeux, cependant il ne voulait pas se tromper. Il pensa à son défunt père qui y avait été confronté, des années bien avant sa naissance. Lui avait fait le bon choix. Il souhaitait faire de même et l'honorer.

NylaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant