Entre les mailles

Chapitre 20 - Luxe -

Comme Walter l'avait prévu, Nora et Erwan partirent faire une, puis de nombreuses conférences de presse et présentations. Nora parlait du Filet avec fougue et Erwan représentait une retenue, une stabilité indispensable pour attirer les investisseurs. Au fil des mois, les réunions s'étaient espacées, laissant du temps à Nora pour concevoir de nouveaux outils et améliorer ceux qui servaient déjà. Ce qu'il n'avait pas réussi avec Georges, il comptait bien le faire avec Erwan. Pour que Nora soit la plus efficace, il fallait qu'elle ait un objectif, des projets. Mais comme personne ne peut travailler toute la journée, il était indispensable de l'empêcher de penser aux aspects non techniques de ses inventions, et pour cela Erwan était idéal. La direction d'une équipe était affaire de manipulation plus qu'autre chose. Et rien de tel que le bonheur pour endormir les velléités de contestation. Nora devait continuer à imaginer de nouveaux outils pour le Filet. Petit à petit, il fit évoluer le poste d'Erwan, car ce rôle de suivant allait finir par le lasser. Il était maintenant directeur de projet pour la réalisation d'un scaphe rapide d'intervention. En fait, il était surtout là pour définir un cahier des charges très précis et orienter le travail des ingénieurs qui concevaient le scaphe. Il fut, tout de même, une très agréable surprise pour Walter. Sa très longue expérience du pilotage en faisait un excellent conseiller et ses idées étaient généralement très opportunes. Nora et Erwan inventaient des outils et présentaient leurs réalisations à travers le pays. Ils étaient heureux et Walter aussi. Sa campagne de presse avait réussi à les faire apparaitre comme des héros des temps modernes. Des savants pragmatiques au service de tous. Seul Georges lui posait encore quelques soucis. Il n'avait toujours pas compris que le vrai pouvoir n'est pas dans les paillettes, mais dans les fils qu'on tire pour manipuler les gens. Chaque chose en son temps pensait Walter. Il apprendrait et pour le moment Georges avait suffisamment à faire en supervisant la construction des Filets non officiels.

Cela faisait plus de deux semaines que Nora et Erwan étaient sur le chantier du premier Filet du Pacifique. Ils appréciaient toujours ces périodes de travail concret sur le terrain. C'était nécessaire pour qu'ils restent en contact avec la réalité. Erwan profitait de ces moments en mer pour tester en condition réelle le scaphe d'intervention rapide et les modifications effectuées. Celui qu'il mettait à l'épreuve actuellement représentait la deuxième génération. La première était un succès commercial aussi bien chez les Nautiques que chez les Atmosphériques. La Bolding S.A. en avait sorti plusieurs versions, avec différents équipements pour la pêche, la construction, l'entretien des stations offshore. Ils en avaient même fait une variante de luxe qui avait été vendu aux complexes touristiques pour faire des visites de sites difficiles d'accès. Le nouveau scaphe était 50 % plus gros, pour avoir une charge utile plus importante. Il souhaitait obtenir une qualité de pilotage équivalente. L'inertie était très supérieure et les efforts pendant les travaux aussi. Il se focalisait beaucoup sur le système de pilotage et sa dernière proposition allait probablement révolutionner la façon de diriger les scaphes. Pour le moment, Erwan était engoncé dans une combinaison, avec une multitude de câbles qui le connectait à l'ordinateur de bord. Il utilisait une vieille combinaison à stimulation électropneumatique qu'il avait trouvée dans une brocante quelques semaines auparavant. Son objectif était de se mettre dans la peau du scaphe. Les capteurs de pressions, les jauges de contraintes, les sondes de niveaux, toutes les informations étaient reliés à la combinaison. Il ressentait ainsi son scaphe et pouvait réagir en conséquence. Lorsqu'il était arrivé au Labo de Folly beach avec la combinaison poussiéreuse et qu'il avait présentée son idée, tout le monde avait rit. Mais il avait tenu bon et comme le coût de l'étude était peu élevé, le directeur du centre avait suivi les consignes de Walter Bolding : « Erwan a carte blanche pour tous les développements de son secteur. Vous surveillerez juste qu'il ne dépasse pas son budget. » Voilà pourquoi il avait passé les deux dernières semaines coincé dans sa combinaison à essayer d'améliorer le système.