Chapitre 30 - La pêche

1 0 0
                                    

L'obtention du plan de mesure avait été plus longue qu'ils ne l'avaient espéré. Karl avait dû faire d'importantes recherches et avait appelé tous ses amis à l'aide pour trouver la bonne approche en traitement d'image qui n'était clairement pas son sujet de prédilection. Puis, Vincent lui avait donné l'idée qui avait très fortement limité la zone d'exploration et donc permis de travailler avec un algorithme non optimal, mais beaucoup plus facilement disponible. Ils avaient utilisé la dissimulation active sur le Filet pour réduire la zone de recherche. Ils avaient lancé un script faisant des requêtes géolocalisées de manière systématique, suivie d'une autre quelques secondes plus tard. Les différences leur montraient les secteurs considérés comme sensibles. Simultanément, ils avaient récupéré les images satellites de tout l'Atlantique Nord ce qui avait été suffisamment global pour que la dissimulation active ne cache pas certaines régions. Cela eut été trop évident. Hors ligne, ils avaient pu traiter ces photos sur les zones pointées par leur script et ainsi découvrir dans la plupart des cas des indications de la présence d'un Filet avec des coordonnées précises. Il était totalement impossible de voir une différence à l'œil nu, mais avec une accentuation des bits de poids faible dans l'image, on pouvait faire disparaitre les couleurs générales et ne garder que les divergences locales. Celles-ci montraient des lignes presque droites dans l'océan ce qui n'est jamais vraiment naturel. Ils avaient alors choisi deux sites pour lesquels ils étaient à peu près certains de leurs résultats. Ils avaient transmis le tout à Di Cohelo pour qu'il l'envoie à Erwan. De leurs côtés, les équipes de Paix-pour-la-Terre étaient sur le pied de guerre. Julie avait dû les calmer quand elle leur avait appris qu'elle avait peut-être un moyen de faire une campagne de mesure. Elle avait du leur rappeler l'importance de la discrétion pour garantir la sécurité des équipes. Finalement, en quelques jours, ils avaient mis sur pied un plan d'expérience pratique s'appuyant sur les règles les plus strictes en termes de recherche scientifique pour qu'on ne puisse pas grossièrement rejeter les résultats. Ils avaient bien sûr dû prendre en compte une contrainte de temps, mais, avec une semaine de mesure, ils étaient certains de pouvoir démontrer l'impact du Filet. Ainsi, une douzaine de jours après le message crypté, Di Cohelo envoya une nouvelle feuille de route à Erwan. Il y en avait deux en réalité. L'une officielle, lui permettait de continuer de naviguer légalement et surtout d'aller s'approvisionner dans une ferme. L'autre lui donnait la destination réelle et les instructions préparées par Paix-pour-la-Terre. C'est comme cela qu'Erwan et Nora qui avaient mis cap au nord quatre jours auparavant s'apprêtaient à s'amarrer à la petite station aquacole ou ils allaient se ravitailler. Comme officiellement Nora n'était pas à bord, ils avaient décidé qu'elle ne débarquerait pas, demeurant cachée dans le scaphe. C'était d'autant plus désagréable qu'Erwan savait qu'il devrait rester pour la soirée dans la ferme. La politesse chez les Nautiques voulait qu'il fût bien reçu, mais surtout qu'il apportât un peu de nouvelles vivantes du monde en dehors de la station. Les étrangers de passage étaient très rares dans ces petites communautés. Généralement, seuls les pilotes des scaphes de transport de marchandises y faisaient escale. Ils apportaient ce dont la station avait besoin et repartaient avec la nourriture et les autres denrées que la ferme avait produites. Ainsi les contacts étaient souvent espacés de plus de deux mois et chaque station éloignée était en fait très renfermée sur elle même malgré les connexions par câble. La nouveauté était toujours attendue. D'ailleurs, certains pilotes de scaphe faisaient les lignes de liaisons des fermes non pas pour l'intérêt du métier qui était à peu près nul, car on pouvait demeurer en pilotage automatique la plupart du temps, mais pour le temps passé dans chaque communauté.

*******

Erwan avait débarqué en milieu d'après-midi. Il n'y avait pas de décalage horaire malgré les nombreux kilomètres qu'ils avaient parcourus. Les toutes premières stations s'étaient tenues aux anciens fuseaux horaires, mais bien vite, l'aberration de la situation les avait frappés. Seules les implantations de très faible profondeur pouvaient avoir un contact avec l'heure de la planète. Dans les abysses, ils étaient de toute façon à plusieurs jours de la surface à cause des procédures de décompression. Et comme aucune lueur n'atteignait plus de quelques dizaines de mètres, ils pouvaient simplement ignorer l'heure à l'air libre. En conséquence, l'heure des Açores s'était petit à petit imposée comme l'heure de l'Atlantique Nord. Avec l'Islande, c'était l'unique endroit ou il y avait un vrai contact régulier avec la surface, donc les seules citées qui avaient tenté de garder une heure précise. Les Açores étant plus grosses et ne subissant pas un hiver long avec des jours très courts, l'incitation pour conserver cette heure avait été la plus forte.

Entre les maillesWhere stories live. Discover now