The Space Between Us

BLUE LIGHT

Je cours un peu partout dans la maison, essayant tant bien que mal de ne pas tomber. Les murs sont différents. Je les reconnais, je sais que ce sont ceux de notre maison, mais leur couleur est passée et les teintes ressemblent étrangement à celles des photos d'avant, comme du sépia. Je ris aux éclats, m'amuse réellement mais une part de moi a quand même peur que papa ne me trouve, même si je sais que ce n'est qu'un jeu. J'entends sa voix grave dans mon dos m'annoncer qu'il n'est pas loin et qu'il va m'attraper. J'ai envie d'accélérer le pas pour le semer mais mon envie irrépressible de me tourner pour voir s'il arrive me freine dans ma course. Lorsque j'arrive devant la porte d'entrée, au bout du couloir, deux options s'offrent à moi : le bureau ou la cuisine. Ma tête s'agite de droite à gauche. Je dois prendre une décision, j'entends papa approcher. Après avoir repris mon souffle, je me remets à rigoler et à courir en même temps puis pousse la porte du bureau. Je sais que c'est une mauvaise idée mais ici, papa ne me trouvera pas. Mon corps se tourne afin d'être dos à la porte, tandis que je peine à retrouver une fréquence respiratoire normale. Devant moi maman pianote sur le clavier de son ordinateur. Je ne sais pas si elle m'a entendue, si oui elle ne me le fait pas savoir. Après l'avoir fixée un instant, je regarde par la serrure pour voir si papa est là, mais rien. Aucun bruit de pas, aucune voix perceptible. Un sentiment d'inquiétude me gagne. Je devrais l'entendre. Où est passé papa? Pourquoi je ne l'entends plus? Papa? Papa! Je ferme les yeux de toutes mes forces pour ravaler mes larmes et me retourne vers maman. Elle me voit maintenant. L'écran de son ordinateur est rabattu, ses jambes et ses bras croisés. Ses yeux trahissent le dégout qu'elle ressent en me voyant, j'ai beau être petite, je le vois. Elle se lève et s'avance vers moi. Je veux reculer mais la porte est un obstacle de taille et rapidement elle arrive à mon niveau, me surplombant de toute sa hauteur. Je suis comme prise à piège, j'ai peur, je suffoque, je veux hurler.

-Tu es ma plus grosse erreur Samantha. Regarde toi. Tu es un échec à tous les niveaux.

Son ton est méprisant, son regard dénué de toute émotion.

-Tu ne sais pas ce que tu vas faire de ta vie, tu ne sais même pas contrôler tes sentiments. Tu es pitoyable.

Sa façon d'insister sur les syllabes du dernier mot suffit à me faire craquer. Je hurle, je crie, je pleure... Papa, où es-tu? Viens me chercher. Papa...

Je me réveille dans un sursaut. Après quelques secondes nécessaires afin de me rappeler où je suis, mon premier réflexe est de vérifier que tout le monde dort. Un sentiment de soulagement s'empare de moi quand je vois que mes trois amies dorment toutes, me confirmant que je n'ai pas crié ou parlé assez fort pour réveiller qui que ce soit. Doucement je m'extrais du matelas, concentrant toutes mes forces pour ne pas déranger Zendaya. Elle émet quelques grognements, se retourne mais n'ouvre pas les yeux. J'ouvre silencieusement la porte et une fois hors de la chambre, la rabats dans un même élan de délicatesse. Il me faut un verre, il me faut de l'air. Ma respiration saccadée trahit le pouvoir que ce cauchemar a sur moi et ca me met en rogne. Je ne devrais pas être perturbée. Je ne devrais pas...

Lorsque j'arrive dans le salon, je me demande dans un premier temps si c'est une bonne idée. Après tout je ne suis pas chez moi... Je finis par hausser les épaules, récupère mon verre et me serre la première boisson qui me tombe sous la main. Ce sera de l'ice-tea. J'emporte mon breuvage et ouvre l'une des fenêtres en priant pour ne réveiller personne. Accoudée au rebord, mes yeux scrutent la rue totalement déserte, les lumières qui brillent au loin et la façon dont la ville semble être figée à cette heure ci.

Les images de ce fichu rêve me reviennent en tête. Des flashbacks. Le sentiment de panique qui m'a gagnée. Les paroles de maman. Son expression faciale si... glaciale. Je pensais être passée à autre chose mais est-ce que ce sera un jour le cas? Je pose mon verre pour fouiller dans mon sac gisant par terre et y récupère la seule chose qui peut m'aider instantanément. Une fois de retour à la fenêtre, je porte la clope à la bouche, l'allume et reprends mon ice-tea. La nicotine ne tarde pas à faire son effet, mes muscles, mon corps... Tout se détend. Malgré tout, mon envie de pleurer ne disparait pas et bientôt je me retrouve à verser les larmes qui n'étaient pas sorties depuis une dizaine de mois.

Je comprends que mes efforts pour étouffer mes sanglots sont en vain lorsque j'entends une porte s'ouvrir et des pieds traîner au sol. Du revers de la main j'essuie mes joues puis mes yeux et prends une grande inspiration. Personne ne doit me voir dans cet état. Pas même mes meilleures amies. Lorsqu'une silhouette se dessine dans l'encadrement du couloir, je ne distingue pas immédiatement de qui il s'agit. Les lumières extérieures n'éclairent que très peu et de là où je suis, on ne dirait qu'une ombre de film d'horreur. Lorsque la personne s'avance vers moi, j'arrive à reconnaître petit à petit son corps et sa posture. Pour une raison que j'ignore, un soupir de soulagement s'échappe, en même temps que la fumée, d'entre mes lèvres. Il n'est bientôt plus qu'à une dizaine de centimètres et une lumière bleutée vient dévoiler les traits fatigués de son visage. Me rendant compte qu'il peut voir les miens et donc probablement mes yeux bouffis, je détourne le regard.

-Je savais pas que tu fumais, dit-il en posant ses bras sur le rebord en joignant ses mains

-Il y a un tas de choses que tu sais pas à mon sujet, Peter Parker. J'espère que ca te dérange pas?

-Si t'avais fumé dans le salon j'aurais probablement sorti mon costume de Spiderman, mais là... T'inquiètes.

Je souris et devine, sans le regarder, qu'il en est de même de son côté.

-Tu veux en parler?

Mes yeux s'écarquillent légèrement tandis que je tire sur ma cigarette.

-Je t'ai entendue. Je... J'étais réveillé. J'ai hésité avant de te rejoindre, je savais pas si tu voudrais de la compagnie.

Mes yeux viennent chercher les siens qui, je découvre, n'attendaient que ca.

-C'est...

Soupir.

-Compliqué? demande-t-il

Je baisse les yeux et hoche la tête mollement. Il se tourne et laisse le bas de son dos se reposer contre l'encadrement de la fenêtre, sans cesser de me regarder. Il ne dit rien. Je sais qu'il n'insistera pas, il semble me comprendre.

-Merci, je finis par lâcher après que de longues minutes se soient écoulées, Est-ce que tu pourrais... garder ca entre nous?

-Bien-sûr Sam.

Contre toute attente il m'attrape par la taille et me tire vers lui. La proximité a beau être des moindres, ce soir elle ne m'aura pas et je vois dans ses yeux que ce n'est pas de ca dont il s'agit pour lui aussi.

-Là normalement c'est le moment où on s'envole parce que tu me fais découvrir les joies de voler comme Spiderman.

Il laisse échapper un gloussement.

-Idiote, viens par là.

Ses bras continuent sur leur lancée et m'enroulent bientôt totalement. D'abord surprise, je ne bouge pas, aussi raide que la clope que je viens de finir, mais laisse ensuite mes mains se rejoindre au niveau de sa nuque. Ce contact me freine de plus en plus dans mon élan pour retenir mes larmes et je finis par craquer, mouillant le t-shirt de Tom au passage. Son étreinte se resserre et l'une de ses mains quitte mon dos pour se poser sur ma tête qu'il caresse doucement. Il ne parle pas, se contentant de m'offrir toute sa tendresse en attendant que mon cinéma ne se termine. J'aimerais parler, lui expliquer... Il doit être perdu... Mais je n'y arrive pas. Aucun son ne sort de ma bouche. J'en ai pourtant envie, ne serait-ce que pour m'excuser de cette situation embarrassante mais mes cordes vocales refusent de répondre aux influx nerveux qu'elles reçoivent. Je finis par laisser tomber et resserre également mon étreinte, m'accrochant presque à son pyjama, tout en plongeant ma tête dans son cou. Mon moi intérieur ne cesse de me répéter que je suis ridicule mais je ne contrôle plus rien. La clope n'aura pas été efficace ce soir, Tom si.

(un chapitre court mais je trouvais ca plus pertinent s'il s'arrêtait à cet instant! j'espère qu'il vous aura quand même plu!)