Quand on pense que ça ne peut pas être pire

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— On vous écoute ! Ça fait trente secondes qu'on poireaute là. Ses bras sont croisés sur son torse, son pied gauche tapant le sol de manière cadencée rapidement.

Les deux signes sur les trois de son explosion nerveuse étaient réunis. Il n'en restait plus qu'un seul avant qu'elle ne perde son self-control.
Laura voyant ceci, s'était collée contre le mur le plus loin de sa collègue.

— Sachez tout d'abord mesdemoiselles que je ne suis en rien la cause de ce que je vais vous annoncer. Donc par pitié, gardez votre sang-froid.

— Je dois vous prévenir qu'il y en a une qui risque de ne pas garder son sang-froid bien longtemps si vous continuez ainsi jeune homme.

Agathe avait pris la parole. Son agacement au fil des secondes ne faisant que croître de façon exponentielle.

— Bien. Agathe, promets au monsieur de ne pas t'énerver.

— Tu sais très bien que je ne peux pas promettre une chose pareille... Son ton était lasse avec toujours une pointe d'énervement.

— Essayes alors, au moins ça.

— Entendu. Elle se retourna vers le haut-parleur, tapant moins vite du pied. Je vous promets d'essayer de ne pas m'emporter.

— Merci beaucoup. Je rappelles que je n'y suis pour rien. On entendit l'homme prendre une grande bouffée d'air avant de se lancer. Un camion est rentré dans la camionnette censée vous sortir de là. Ce qui veut dire...

— ...Qu'il n'y a aucun moyen pour nous sortir de là actuellement. Laura venait de souffler ces paroles, dépitée.

— Ce qui veut dire que je vais devoir te supporter plus longtemps que prévu. Ô misère ! Pourquoi le sort s'acharne-t-il sur moi ? Elle avait jointe ses mains en un poing au dessus de sa tête, l'air théâtralement dramatique.

Laura pouffa.
— Tu devrais te voir en ce moment, on dirait une actrice de théâtre qui en fait trop.

— Je croyais que tu ne jugeait pas les gens ? Ses mains toujours ensemble, elle tourna seulement le regard vers sa rivale.

— Je suis humaine. Je fais aussi des erreurs de temps à autre.

— Laura Marchand viendrait-elle d'admettre qu'il lui arrive de juger les personnes ? Oh bon sang. En voilà une première dans l'histoire !

— Oses me dire droit dans les yeux que tu ne le fais jamais !

— Alors regarde moi bien. Les yeux dans les yeux, Agathe n'en dermordi pas. Je. Ne. Juge. Personne.

— Tu plaisante j'espère ? Laura se releva et s'approcha au plus près de son aînée. Tu juge constamment tout sur tout. Tu juge tellement que tu pourrais même le faire à une pauvre pierre. Son doigt pointé

— Je ne fais pas ça. J'analyse, nuance.

— Oh, arrête de te planquer derrière ce mot à tout bout de champ. Ce que tu sais faire le mieux, c'est bien ça. Critiquer constamment ce qui t'entoure. Si c'était une discipline olympique, tu gagnerai sans même que les autres n'aient le temps de participer !

— Merci beaucoup très chère pour ton compliment. Mais il est fort étonnant de te voir aussi méchante qu'en ce moment. S'en est presque attendrissant.

Pour Agathe, ce fut difficile de ne pas changer de regard. De ne pas montrer à quel point ce qu'elle lui avait dit lui faisait mal. Jamais, au grand jamais, elle ne se permettrai de juger qui que ce soit et était la mieux placée pour le savoir.

— Désolée de vous interrompre, à nouveau. Je voulais juste vous signaler que je vais couper la liaison entre nous durant une trentaine de minutes. J'ai un autre ascenseur en panne.

— Décidément... On dirait que votre entreprise n'est pas au top.

L'homme ne releva pas la pique. Il était maintenant peu à peu habitué au caractère fort d'Agathe.
— Bref, tout ça pour vous dire que nous n'aurons aucune liaison durant une demie heure. Profitez-en à bon escient. Peut-être que d'ici que je revienne, vous serez réconciliée. Puis il marmona, bien qu'on puisse rêvez.

— On vous entend toujours le technicien !

— Trop tard, j'ai déjà coupé. À toute à l'heure. Et pas de cadavre s'il-vous-plaît !

Un silence passa. Agathe n'ayant plus envie de s'énerver contre le jeune homme, bien qu'en temps normal, elle l'aurait fait qu'il soit présent ou non. Mais à présent, rien ne lui importait. Juste un coup de fatigue et une nouvelle accablante, lui rabaissant le moral. Et par dessus tout, une migraine ne faisant qu'empirer.
Quant à Laura, elle ne savait pas si elle devait se réjouir ou s'inquiéter face au soudain mutisme de sa coéquipière de lieu restreint.
Puis cette dernière décida de briser ce silence.

— Pourquoi avoir inclu Manuel dans notre conversation avant ? Son ton était neutre, sans reproche. Juste curieux.

Agathe, toujours dans ses pensées, répondit d'un ton lasse, plus faible que d'habitude.

— Réfléchis deux minutes. On se disputait sur notre dernière année de lycée. Cet indice devrait être largement suffisant.

— Je ne vois toujours pas en quoi mon ex a été intégré dans cette dispute.

Agathe ne répondit rien. Laissant faire le temps. Laura devait trouver les réponses par elle-même, sinon, cela ne servait à rien. Pourquoi tout lui offrir sur un plateau pense-t-elle. À quoi bon, si ça ne permet pas une remise en question ?
Le silence avait regagné le compartiment rectangulaire.
Cinq bonnes minutes venaient de passer, interrompant Agathe dans ses calculs pour déterminer quand une aide leurs seraient envoyée et arriverai à destination.

— Tu étais jalouse... La réponse lui apparut comme une évidence. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? Elle se maudissait pour ça.

Le regard fatigué, Agathe contempla un bref moment Laura.
— Dans quel sens tu veux dire ?

— Tu étais jalouse parce que tu n'avais pas de petit ami à l'époque. Tu étais jalouse de notre relation.

— Tu penses réellement que je me suis démenée corps et âme à te faire la guerre juste parce que j'étais célibataire ? Tu me déçois beaucoup. Tu n'avais donc pas une haute estime de moi déjà à l'époque comme je pouvais l'avoir pour toi !

— Non c'est pas comme ça qu'il faut l'interpréter... C'est juste que...

— Non. Rien du tout. Je vois bien que je suis la seule de nous deux à t'avoir mise sur un piédestal non mérité. Et c'est exactement comme ça qu'il fallait l'interpréter.
De toute façon, depuis l'arrivée de Manolo je savais que tout allait changer, même si je ne pensais pas que ça le serait à ce point.

— Donc, il y a tout de même une part de jalousie dans toute cette histoire. Et arrête de l'appeler ainsi, tu connais très bien son prénom.

— OK. 1% a été de la jalousie. Mais le reste n'en est certainement pas.

— Tu veux plutôt dire un quart de jalousie et trois quart est autre chose.

— Si ça peut te faire plaisir. Elle s'accroupit et laissa son dos reposer sur le même mur, proche mais à distance raisonnable de sa consœur. Il ne te reste plus qu'à trouver les trois quarts restant...

Il n'étais pas dans la nature d'Agathe de capituler aussi facilement ce qui étonnat Laura, mais n'en fit rien paraître.
— OK. Est-ce que ça a toujours un rapport avec ma relation ?

— Oui...

— Est-ce que ça concerne plus Manuel ou moi.

— Je dirias les deux, mais plus toi.

— Je vois...

— Permets moi de te dire que pour le moment tu es aveugle très chère...

— C'est une expression, banane...

Un petit sourire narquois naissa sur son visage, contaminant au passage la personne à ses côtés.

9 m2Where stories live. Discover now