65. Maillot de rechange

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Il paraît que certains étaient pressés d'avoir la suite, alors j'exauce votre voeu ! 

65. Maillot de rechange

Alice et Aurore descendaient les gradins tandis que Yann et ses coéquipiers passaient à côté de lui, en lui tapant sur l'épaule pour le féliciter pour le match. Ils allaient prendre une douche bien méritée, partir du gymnase et sans doute aller fêter la victoire à l'appartement d'un de l'équipe. Yann lui demanda s'il l'attendait pour rentrer à l'appartement, tout en faisant un signe de tête vers les filles qui se rapprochaient afin de préciser sa pensée.

— Je rentrerai plus tard. Pars devant, ne m'attend pas !

— Ok !

Son regard était moqueur mais Milan y lit aussi une certaine envie. Quand il se retourna enfin, les filles n'étaient plus qu'à un mètre et il réduit lui-même la distance. Il n'eut pas le temps de leur demander ce qu'elles faisaient là qu'Alice prit la parole.

— Ça peut aller jusqu'à quelle vitesse une frappe au handball ?

Alice posait rarement des questions. Elle citait des faits, répétait des phrases en boucle, répondait aux interrogations des autres, mais elle s'intéressait peu aux passions de son entourage. Milan la fixa un instant avant de se rappeler qu'il devait y répondre. Il avait toujours ce foutu point de côté qui lui coupait le souffle et il accepta la bouteille d'eau que lui tendit Aurore, se permettant d'en avaler une gorgée avant de parler.

— Je ne connais pas le record exact, je crois qu'il y a déjà eu des tirs à 130 km/h. En règle générale, on se situe plutôt entre 80 et 90 km/h.

— C'est impressionnant.

Milan fut surpris de son commentaire. Il s'attendait à ce qu'elle se contente de hocher la tête et de continuer sur un autre sujet. Comme elle le faisait habituellement. Ce n'était pas son genre de poser des questions ou de parler pour ne rien dire. Ce qui lui allait bien, il n'avait jamais été très doué pour les conversations sans intérêt. Il fronça de nouveau les sourcils et elle se mordit la lèvre inférieure quand elle le vit faire, comme si elle n'était pas à l'aise, comme si elle se balançait d'un pied à l'autre pour retrouver une position stable. Elle n'était pas le genre à hésiter, pas le genre à réfléchir à ses actes ou à ses mots. Elle était toujours si franche, si sûre d'elle. C'était d'ailleurs ce qui l'avait déstabilisé en premier, le fait qu'elle ne semblait pas se préoccuper des conventions sociales. Elle lui avait sorti qu'elle n'avait pas besoin de baby-sitter. Mais aujourd'hui, elle faisait des efforts. Il voyait bien à quel point son cerveau tournait à tout allure et il ne comprenait pas pourquoi.

— C'est vrai que c'est plus intéressant quand ton ego n'est pas blessé et que tu te bas pour ton équipe et non pour une autre cause.

La réplique d'Aurore le sortit de ses pensées. Il lui lança un regard noir, comprenant parfaitement à quoi elle faisait référence. Elle n'avait pas besoin de remettre ça sur le tapis, surtout avec Alice à ses côtés. Elle devait le savoir car elle lui adressa un sourire victorieux, dévoilant ses dents d'un air moqueur, feignant un air innocent.

— Je t'avais dit que le handball n'était pas si ennuyant.

Milan n'était pas le genre à se laisser abattre par une simple pique. Il jouait sur son terrain quand il s'agissait de provocation et il savait exactement ce qu'il fallait faire pour marquer des points et gagner la partie. Alice les regardait l'un après l'autre, comme si elle assistait à un match de tennis. Elle ne semblait pourtant pas curieuse de savoir qui allait mettre un smatch à l'autre. Elle était plus focalisée sur leur interaction, comme si elle l'analysait.

— Qu'est-ce que vous faites là ?

— Tu n'as qu'un seul maillot ?

Ils avaient parlé en même temps et il mit du temps à assimiler sa question. Il ne comprenait pas où elle voulait en venir mais l'interrogation devait faire sens dans la tête d'Alice pour qu'elle l'ait ainsi formulée. Deux questions en quelques minutes, ce n'était pas loin d'un record qu'elle venait d'établir. Bousculé, il laissa Aurore répondre à la sienne.

— On passait par là et on s'est dit que ce serait sympa de venir te voir, comme tu étais en plein match.

Ce n'était évidemment pas la vérité. Il le savait, elle savait qu'il savait et il sourit quand il vit Alice froncer les sourcils suite à sa réponse, se demandant sans doute pourquoi elle lui avait sorti ça. Il n'avait pas besoin d'être un génie pour savoir que ce n'était qu'une excuse et que c'était bien plus planifié qu'elle ne voulait le laisser paraître. Déjà, elles étaient toutes les deux ensemble, sans leurs frères, ce n'était pas normal. Aurore lui avait bien avoué à demi-mot qu'elle s'inquiétait pour Alice mais elle lui avait aussi fait comprendre qu'elle n'était pas les meilleures amies au monde et qu'elles n'avaient pas une grande complicité. Il hocha la tête avant d'en revenir à la question d'Alice. Il valait mieux qu'il y réponde avec honnêteté, sans essayer d'en comprendre le sens et chercher la bonne réponse.

— Non, j'en ai deux de rechange, au cas où. J'en ai toujours un dans les vestiaires au cas où s'il se passe quelque chose pendant le match, et un à mon appartement pour éviter l'usure. D'ailleurs faut que je me change, je vais sans doute prendre une douche vite fait aussi, vous m'attendez ?

Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qui n'allait pas. Il avait l'impression que des ondes perturbaient l'environnement autour d'eux, sans comprendre d'où elles venaient ni leur nature. Tout semblait normal. Alice était venue le soutenir, c'était normal après leur rapprochement. Elle lui avait souri, avait posé des questions, il ne s'était donc pas fait des films, leur relation avait avancé de plusieurs bonds. Alors pourquoi il avait cette étrange sensation logée au creux de l'estomac, comme un mauvais pressentiment.

— File ! C'est vrai que tu ne sens pas la rose !

Il aurait bien tiré la langue à Aurore, comme un gamin, mais il était encore perturbé et il se contenta d'un « c'est ça » avant de se diriger vers les vestiaires. La discussion n'avait pas duré longtemps mais la plupart des gars de l'équipe s'était déjà enfui. Les autres finissaient de s'habiller et le saluèrent tandis qu'il se déshabillait pour aller se mettre sous l'eau. Il ne voulait pas les faire attendre longtemps mais il avait clairement besoin d'une douche.

Il ressassa ce qui venait de se passer alors que l'eau ruisselait sur son corps, mais il ne trouvait pas de meilleure réponse. Il se faisait sans doute des films, il n'avait juste pas l'habitude qu'Alice le laisse entrer réellement dans son cercle. Peut-être que quand on était plus proche d'elle, elle agissait ainsi. Il ne se rendit pas compte qu'il venait de passer cinq minutes supplémentaires sous l'eau à cause de la succession de pensées qui lui donnait mal à la tête. Il mit donc ses vêtements de rechange à toute vitesse, manquant de s'étaler sur le carrelage en enfilant trop rapidement ses baskets. Quand il sortit, il fut surpris de ne trouver qu'Alice devant la porte des vestiaires. Il tourna la tête de gauche à droite pour trouver Aurore quand Alice répondit à sa question muette.

— Elle est partie. 

Blue BlurredOù les histoires vivent. Découvrez maintenant