Chapitre 2 : Inquiétudes

305 14 5
                                    

Assise contre la fenêtre du café où elles vont tout le temps, Mikoto a une fois de plus le regard perdu dans le vague, ne regardant pas réellement l'extérieur. Elle sait que ces amies discutent près d'elle, mais entend à peine les sons, n'a aucune idée du sujet. Son dessert est toujours intact devant elle, elle n'a même pas saisie la cuillère. Elle a bien trop mal au crâne pour savourer ce goûter ou interagir avec les personnes qui lui sont chères.

Depuis sa conversation avec Last Order et Accelerator, le réseau Misaka est agitée, toutes ces nombreuses sœurs ayant quelque chose à dire, partageant leur avis, surchargeant le réseau d'information pour une non initiée. Mikoto n'a même pas essayer de suivre tout ce qui y est dit depuis quelques minutes, tentant simplement de s'en éloigner, si possible avant que son cerveau ne devienne de la bouillie. Elle les sent, les messages émanant de toutes parts, les échanges, les discussions à distance, la joie de certaine pour Last, celles qui tentent, pleine de bonne volonté, d'apaiser la colère de leur aînée envers Accelerator. Si Mikoto n'avait pas si mal au crâne, elle serait touchée de l'attention.

Le réseau, comme toujours, bourdonne d'activité, bien qu'à cet instant, elle soit démultipliée, bien plus que ne peut le supporter la pauvre Mikoto. Depuis quatre mois, elle apprend à le découvrir, s'y étant connecté sans le vouloir. Elle a encore beaucoup de mal à s'y retrouver, ne captant qu'ici et là des émotions, des sensations émanant de ses petites sœurs, jamais de véritables messages, et elle est très loin de pouvoir elle-même transmettre des messages. Ces interactions avec sa famille via le réseau sont toujours involontaires quand elle parcourut d'un fort sentiment. Comme la colère.

La présence du réseau, en temps normal, n'est qu'une présence diffuse dans son crâne. Etrange car ajout récent qu'elle n'a pas connu pendant 14 ans, mais pas désagréable. Sauf quand toutes s'agitent, car bien vite, tout résonne dans sa tête, saturant son esprit de milliers de pensées qu'elle ne parvient pas à gérer, créant inévitablement des migraines. L'ouverture de la piscine au centre de soin avait déjà été responsable d'un tel phénomène, se rappelle-t-elle sans en vouloir à ces sœurs d'être juste heureuses.

Avec de la concentration, elle parvient à repousser ces milliers de petites voix au fin fond de son esprit, mais c'est toujours temporaire et une tâche ardue à accomplir. Résultat, aujourd'hui, son front est brûlant, et elle est constamment distraite, captant ici et là les pensées de sa sororité, ce qui explique qu'elle n'est pas remarquée Kuroko sur son dos plus tôt.

D'ailleurs, c'est une fois de plus la voix de sa camarade de dortoir qui la ramène sur terre. Assise en face d'elle, on peut cette fois clairement lire l'inquiétude de Kuroko dans ses beaux yeux rubis.

-Onee-sama, que se passe-t-il ?

Sans prononcer un mot, ne cherchant pas à justifier son étrange état, Mikoto se lève précipitamment, marchant vers les toilettes d'un pas rapide qu'elle espère normal, ne voulant pas attirer l'attention. Dès qu'elle est devant le lavabo, elle se passe de l'eau glacé sur le visage, espérant le faire refroidir ainsi et apaiser la douleur lancinante qui traverse son crâne. Fermant les yeux, elle respire lentement, s'apaisant et se concentrant.

Elle doit s'éloigner du réseau et de l'esprit de ruches écrasant de ses petites sœurs à tout prix. Avec beaucoup d'effort, ce qui ressemblait à un brouhaha interrompu devient guère plus qu'un murmure, mais cela lui prend plusieurs pénibles minutes. Elle ne peut pas complètement s'en décrocher, mais au moins un peu isolé l'animation produite par ses cadettes.

Quand elle redresse la tête, elle fait face à son regard fatigué dans la glace. Elle fixe son reflet épuisé, et toujours un peu trempé de l'eau, passant un doigt sur les discrètes cernes qui ornent depuis quelques temps ses yeux.

L'obscurité nous entoureWhere stories live. Discover now