Chapitre 19 (3)

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L'escalade avait été rapide.

Leur discussion n'avait pas beaucoup duré. Il l'avait entrainée sur le dancefloor et au détour d'une chanson, ils avaient fini par s'embrasser. Athénaïs avait la tête qui tournait mais elle ne savait pas pour quelle raison : étaient-ce ses multiples verres qui l'étourdissaient ou la fatigue qui la déboussolait ? Ou était-ce encore la sensation de ces mains baladeuses sur son corps mêlée à celle des baisers langoureux de son Latino rencontré une heure plutôt ? Quoi qu'il en fût, elle se sentait transportée dans une dimension parallèle, un univers où seul son plaisir et ses désirs comptaient. Elle avait faim de lui et désirait assouvir ce qui apparaissait à présent comme un besoin vital.

Du côté opposé de la boîte, Marguerite et Pauline étaient retournées aux tables que le crew avait réservé, hilares. Leur gaieté fit lever un sourcil à Mohamed qui s'enquit :

« Y'a quoi ?

— Say' est en train de se taper un mec ! s'esclaffa Marguerite. J'arrive pas à le croire !

— Quoi ? fit Mohamed qui ne comprenait pas.

— Regarde, là-bas ! »

Marguerite pointa du doigt le coin où Athénaïs et sa trouvaille de la soirée se dévoraient littéralement la bouche et le cou. Mohamed resta bouche bée.

« Oh putain ! Eh, Deen ! Deen !! Mate ça !

— Quoi ? »

Ce fut au tour de Mikaël d'écarquiller les yeux.

« Non !! »

Il se retourna vers Marguerite et Pauline.

« Vous lui avez fait quoi, là ?

— Que dalle ! Elle l'a pécho toute seule comme une grande !

— Il se passe quoi ? s'enquit Ken, qui ramenait des verres.

— Ton ex est déchaînée, ce soir.

— Qui ça ? »

Mikaël fit un geste du menton qui fit retourner le jeune homme.

« Quoi ?

— Regarde là-bas. Say'. »

Ken chercha quelques secondes avant de tomber sur le couple nouvellement formé. A cette vue, son sang ne fit qu'un tour. Qu'est-ce que... Sans plus tarder, il planta ses amis là et se précipita vers l'endroit qu'avait désigné son acolyte.

« Attends, Nek',.... Qu'est-ce que... Mais qu'est-ce que tu fous !! » s'écria Marguerite, sans pour autant se lever.

Dans la tête de Ken, les pensées tourbillonnaient à mille kilomètres par heure. Impossible que Say' se comportât de la sorte. Elle devait être totalement finie et quelqu'un était en train d'abuser d'elle ! Il atteignit rapidement les deux tourtereaux qui poursuivaient leur étreinte contre un mur. Arrivé à leur hauteur, Ken s'arrêta brusquement. La main d'Athénaïs était en train de remonter sur la chemise du jeune homme jusqu'à atteindre sa nuque, sa joue tandis qu'il explorait son cou. Les yeux fermés, elle se mordait la lèvre. Cette vision d'une Athénaïs en feu et consentante le cloua sur place. Il repensa l'instant d'un éclair à toutes les fois où elle avait repoussé ses baisers dans le cou alors qu'ils étaient ensemble. « Non, Ken, fais pas ça, s'il te plait... » marmonnait-elle, chaque fois. « Tu parles ! » souffla-t-il dégoûté, en avisant la scène qui se présentait devant lui. C'était une traînée comme les autres, doublée d'une hypocrite.

De son côté, Athénaïs entrouvit les yeux pour embrasser à nouveau Alexis sur la bouche.

« On peut continuer chez moi, proposa celui-ci.

— Euh...

— Je ne suis pas loin, t'inquiète. »

En temps normal, le cynisme habituel d'Athénaïs aurait relevé cette dernière phrase, en notant que le jeune homme avait tout prévu. Mais l'alcool qui pulsait dans son crâne en rythme avec les battements rapides de son coeur lui embrumait l'esprit et lui retirait toute capacité d'analyse. Elle était perdue.

Le brun se repencha vers elle, mais elle dévia quelque peu son visage. Voyant le refus se profiler, son partenaire haussa un sourcil mais ne comptait pas renoncer immédiatement. Il replongea dans son cou tandis qu'Athénaïs réalisait, au ralenti, le tournant que prenait la situation. Son corps voulait mais sa tête ne voulait pas. La logique était qu'elle le repoussât. Mais son esprit restait léthargique, assommé par la fatigue et la lassitude de lutter, incapable de commander quoi que ce fût.

Non loin d'eux, elle aperçut Ken. Il la dévisageait, choqué. Mais c'était comme si elle le voyait sans le voir. Puis la suite survint très vite sans que son cerveau ne put suivre. Elle vit Ken fondre sur elle, l'écarter du Latino, lui crier dessus sans qu'elle n'y comprît quelque chose, lui empoigner le bras et l'entraîner ailleurs. Ils se retrouvèrent quelques minutes plus tard dehors, puis dans sa Mercedes, lui au volant, elle sur le siège passager.

Elle contempla en silence le paysage de lumières scintillantes par la fenêtre de la voiture parsemée de gouttes de pluie. Une douce buée se forma sur la vitre, s'étalant un peu plus à chacune de ses respirations. Ken était furieux, elle le sentait bien, mais elle ignorait quelle pouvait en être la raison. Il avait rompu pour se mettre avec Olivia. Ce ne pouvait être de la jalousie. Un instinct protecteur ? Un sourire las naquit au coin de ses lèvres : elle n'était pas sa petite sœur, quand même. De la possessivité ? Assez malvenue, mais peut-être.

Ils arrivèrent trois quarts d'heure plus tard, dans un quartier qui n'était pas le sien, discerna Athénaïs.

« Bon, Say', ce soir, tu dors chez moi. J'ai pas la foi d'aller jusqu'à Courbevoie. »

Athénaïs pivota lentement la tête vers Ken qui la considérait d'un air sombre. Le moins que l'on pût dire était qu'il paraissait mécontent.

« Qu'est-ce que t'as ? » murmura-t-elle.

Ken l'avisa, interloqué. Il abandonna toute idée de discussion.

« Vas-y, on monte. » bougonna-t-il.

Elle sortit de la voiture en titubant. Les effets de l'alcool. Elle détestait cette impression de perte de contrôle mais elle était trop épuisée pour s'attarder sur son état. Elle voulait juste prendre une douche et se claquer la tête la première contre un matelas.



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