Chapitre 28

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Athénaïs rejoignit l'office pour se dégourdir les jambes. C'était aussi un des rares endroits où elle pouvait apercevoir la lumière du jour. Deux mois et demi s'étaient écoulés après sa thèse. Les beaux jours faisaient timidement leur arrivée. Hélas, les quelques rais de soleil qu'elle reçut ne suffirent pas à égayer un peu son humeur morose qu'elle essayait de dissimuler derrière ses sourires enjoués habituels.

Sa relation avec Hary avait pris fin quelques jours plus tôt et il lui semblait depuis que plus rien ne pourrait rattraper son état de vieille fille en devenir. Si cela n'avait pas marché avec Hary, avec qui est-ce que cela pourrait marcher un jour ? Hary était si... parfait.

La main passée dans ses cheveux qu'elle avait coupés la veille, Athénaïs scrutait l'horizon par la fenêtre. Situé en banlieue parisienne, le cabinet de radiologie où elle avait pris un poste de remplaçante pour deux mois offrait un cadre de travail privilégié, entouré de verdure. Une aubaine pour elle qui avait besoin de s'éloigner de Paris quelque peu, sa notoriété grandissant de jour en jour.

Crasher des concerts et jouer des premières parties étaient des choses très plaisantes ; néanmoins, cela demandait d'elle en contrepartie de plus en plus d'échanges avec ses fans et de moins en moins d'intimité. En outre, la presse avait eu vent on ne savait comment de l'opportunité qui lui tendait les bras : le titre des Enfoirés qu'elle avait produit avait traversé l'Atlantique par la magie d'Internet. Il était arrivé aux oreilles du controversé mais non moins talentueux Kanye West qui l'avait contactée, intéressé par le parti pris gospel qu'elle avait choisi et qui faisait écho à ses derniers projets.

Alors avec cette publicité et son récent partenariat avec une célèbre marque de parfum (qu'elle avait accepté principalement pour en recevoir des échantillons gratuits), il allait sans dire qu'elle n'avait pas tardé à repérer quelques photographes en embuscade sur son chemin. Par chance, ils n'étaient pas encore nombreux. Le fait que Ken et elle ne se parlaient plus aidait également. De toute manière, Ken avait quitté la France peu après la mise à plat de leur relation. Aux dernières nouvelles, le beau-gosse-du-rap-français s'était réfugié au Canada.

Athénaïs but une gorgée de son thé orange cannelle. Pour le moment, elle devait travailler dur afin de se permettre un loyer à New York pour un ou deux mois. Effectivement, c'était le grand projet de sa mise en disponibilité de six mois hors de l'hôpital, ce qui lui avait valu des grommellements de la part de Professeur Hautenant, des balbutiements abasourdis de la part de ses parents et sa rupture avec Hary.

Cette fois, il n'y avait pas eu de faute. Elle lui avait annoncé son intention de partir momentanément aux Etats-Unis. S'il avait d'abord accepté son départ sans objection, l'idée qu'elle partît aussi facilement à l'aventure pour le simple amour de la musique avait fini par le chiffonner. Elle était radiologue, non ? Ce fut alors qu'Athénaïs se rendit compte que sous ses airs détendus, Hary tenait aussi à son scénario de famille modèle. Or Athénaïs, jusqu'à ce jour fatidique, avait fui la question de l'avenir de sa carrière musicale : l'arrêterait-elle vraiment une fois ses objectifs accomplis ? Quels objectifs poursuivait-elle, premièrement ? Il fallait commencer par là et force était de constater qu'elle n'en avait aucune idée. Alors Hary avait opiné de la tête. Et trois jours plus tard, sans pleurs, ni cris, ils avaient rompu, au grand dam des parents de la jeune femme qui, pour le coup, lui en voulurent. Seul Nathan, son petit frère, l'avait soutenue.

Athénaïs soupira. Trois ruptures définitives en un an et demi. C'était beaucoup trop pour elle qui n'avait jamais rien vécu en vingt-trois ans. Être en couple ne lui réussissait vraiment pas. De toute manière, elle avait grillé ses cartouches avec Hary qui était le must du must, le meilleur parti malgache de Paris. Qui pourrait-elle encore choisir, comme dirait sa mère qui était désespérée par le fait qu'Hary ne serait pas son gendre ? Elle allait finir vieille fille. Elle s'investirait dans des associations pour compenser le manque d'affection dont elle souffrirait avec les années.

Effectivement, certaines personnes pouvaient se passer du fait d'être en couple mais le temps filant, Athénaïs était bien consciente au fond d'elle qu'elle n'avait pas ce que l'Église appelait communément le « don de célibat ». Non, si elle devait être totalement honnête avec elle-même, elle souhaitait, comme la majorité des gens, tomber amoureuse de quelqu'un qui serait aussi amoureux d'elle, se marier, avoir des enfants, les élever et tout le reste.

Elle consulta l'heure. Il était temps de retourner au charbon. Une ombre de sourire vint orner sa figure à l'évocation de cette phrase typique des garçons de l'Entourage. Elle ne les avait pas vus souvent à cause de ses horaires de travail, dernièrement. Elle ne les rencontrerait pas non plus de sitôt : son contrat prenait fin dans deux semaines, deux jours avant son départ pour le Nouveau Monde.

Elle se leva pour retrouver sa salle d'interprétation où une de ses collègues décrivait une fracture en aile de papillon du fémur droit. Deux semaines et elle changerait radicalement de vie.

" Non. "Where stories live. Discover now