EMPIRE [T6]

Je viendrais te chercher

« Une petite fille était débout sur une planche en bois qui avait été posé entre les deux rives pour permettre aux gens de traverser la rivière qui coulait sous ses pieds et regardait une limousine noire s'éloigner. Des larmes coulaient sur ses joues tandis qu'elle criait de toutes ses forces :

- Jung ! Jung ! Jung !

La voiture stoppa net et la portière arrière s'ouvrit sur un petit garçon qui descendit avant de courir vers la fillette.

Celle-ci arrêta de pleurer et ouvrit grand ses yeux magnifiques yeux légèrement bridés, ses joues rosirent sur son teint de porcelaine et sa bouche aux lèvres rouges se pincèrent.

C'était Sephora, plus jeune. Elle prit le petit garçon dans ses bras et le retint contre elle comme pour l'empêcher de partir.

Ce dernier soupira avant de la repousser mais avec douceur, je pus enfin voir son visage qui ne m'était absolument pas inconnu.

Son visage me disait quelque chose sans pour autant que je puisse mettre un prénom sur sa tête comme si quelque chose me bloquait.

Il se passa une main dans ses cheveux blonds cendrés avant de baisser vers elle ses splendides yeux d'une couleur que je ne saurais qualifiés, comme s'ils hésitaient entre un bleu nuit et un bleu marine.

- Arrête de pleurer, ordonna-t-il. Regarde ce magnifique pont, il me fait penser au Pont Mirabeau du poème d'Apollinaire...

- Ce n'est qu'une vieille planche pourrie, pesta Sephora en le retenant. Je ne veux pas que tu partes ! Reste encore avec moi !

- Regarde avec ton cœur petite princesse, pas avec les yeux. Sous le pont Mirabeau coule la Seine, déclara le garçon en fermant les yeux, et nos amours, faut-il qu'il m'en souvienne, la venait toujours après la peine...vienne la nuit sonne l'heure, les jours s'en vont je demeure...

- Je ne veux pas que tu partes, répéta Sephora en le forçant à le regarder.

- Les mains dans les mains, restons face à face tandis que sous le pont de nos bras passe des éternels regards l'onde si lasse...

- L'amour s'en va comme cette eau courante, murmura Sephora alors que des nouvelles larmes coulaient sur ses joues, l'amour s'en va comme la vie est lente et comme l'Espérance est violente...vienne la nuit sonne l'heure, les jours s'en vont...

- Tu l'as appris par cœur ? Je suis fier de toi petite princesse mais je ne peux pas rester ici éternellement, murmura-t-il en essuyant ses joues.

- Je ne veux pas que tu partes !

- Alors viens avec moi petite princesse, murmura-t-il en lui prenant son visage entre ses mains, viens avec moi...

- Père ne voudra pas !

- Je peux le convaincre !

- Comment ?

- Je peux le convaincre mais est-ce que tu es prête à mettre de côté ta haine de l'Occident pour me suivre ? questionna le petit garçon en affichant un air troublé.

La petite fille se mordilla la lèvre de nouveau et ne répondit pas, son ami sourit avant de soupirer en disant :

- Je ne peux rester et tu ne peux partir...

- Jung...attends, protesta-t-elle en le retenant par le bras.

- Un an. Je te laisse un an pour te préparer, je reviendrais te chercher jour pour jour dans un an sur notre Pont Mirabeau, ce jour-là, si tu viens, nous partirons et resterons ensemble pour toujours, et si tu ne viens pas, tu auras faire ton choix...

Sephora se pinça les lèvres tandis que des nouvelles larmes coulaient sur ses joues, elle inspira profondément avant de murmurer :

- Jung...

Son ami sourit avant de se pencher vers elle et déposa ses lèvres sur les siennes. Une douce brise se mit à souffler chargé de pétales de fleurs de cerisiers qui entourèrent le lieux.

Sephora ouvrit les yeux en le voyant s'écarter en souriant mais ses yeux étaient aussi remplis de larmes, il ne voulait pas la quitter.

Il voulait l'emmener avec elle mais elle ne pouvait pas partir, pas encore.

- Tu viendras ? Vraiment ?

- Oui, je viendrais te chercher...n'oublie pas, c'est sur un pont que nous nous sommes rencontrés, ça sera aussi sur un pont que nous retrouverons, sous une pluie de pétales de fleurs de cerisiers, je reviendrais te chercher et je ferais de toi mienne...

- Je t'attendrais.

Il la lâcha à regret avant de marcher à reculons vers la limousine qui l'attendait toujours, Sephora fit un pas vers lui avant de lui demander :

- Jung ?

- Oui petite princesse ?

- Quel est ton vrai nom ?

Il s'arrêta et la regarda un moment avant de tourner les talons pour courir vers la voiture où une femme qui m'était aussi familière lui tenait la porte.

Il monta et elle démarra, tandis qu'elle s'éloignait, il sortit sa tête par la fenêtre et cria avec son sourire séduisant :

- Enzo.

Ce furent ces derniers mots avant de disparaître et laisser Sephora toute seule. Je compris aussitôt pourquoi je l'avais reconnu, c'était... »