01 / 05 / 1181

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Premier jour de la lune de la Harpe, 1181

Cela fait un mois que nous la cherchons. Tout le monde s'inquiète pour elle, mais la motivation commence à leur manquer. Bernadetta ne cesse de dire des choses décourageantes ; quant à Hubert, il me presse au sujet de l'Empire. Ils semblent tous prêts à partir vers le nord, où a fui l'Église, mais moi je ne peux pas me résoudre à abandonner le professeur. J'ai l'impression d'être la seule à garder encore espoir de la revoir un jour. Ils ne comprennent pas...

Tout est triste en son absence. L'assaut du monastère n'arrange rien au climat désespéré qui y règne et qui m'attriste. Nous faisons en sorte que les villageois délogés ne manquent de rien. Je suis émue de voir que leurs foyers ont été détruits et qu'ils meurent de faim. Pourtant, quand nous leur venons en aide, je ne peux m'empêcher de voir dans leurs yeux la terreur incroyable que je leur inspire. Ce premier assaut fut meurtrier, c'est vrai. J'ai lancé sur les hommes de l'Église mes premiers soldats. J'ai provoqué les premiers morts. Désormais, le conflit est lancé. Je ne regrette rien, seulement... Cette lueur épouvantée dans leur regard fait de l'ombre aux projets grandioses que je mène. J'inspire déjà l'horreur, et je sais pourtant que si le professeur était à mes côtés, il en serait tout autre. Elle incarnait la figure rassurante d'une prophétesse. Elle avec moi, le continent en entier aurait compris dans quel camp se trouvaient les véritables meurtriers.

Professeur... Chaque soir, je monte à la tour de la Déesse en attendant un signe d'elle. Si elle a vraiment fusionné avec la divine ancêtre, cela devrait être le lieu le plus propice pour le revoir. Mais à chaque fois rien ne se passe ; je déambule, j'observe au loin, j'attends. Hier soir je me suis souvenue du bal : toutes les deux, nous nous étions retrouvées ici et avions discuté. Je me rappelle même que je l'avais mise mal à l'aise avec mes questions... Enfin, il n'y avait aucune raison de se sentir si embarrassée, tout ce que je voulais, c'était juste en apprendre un peu plus sur elle. Quoique... Cette personne dont elle m'avait fait part m'avait intriguée, quand nous évoquions nos premiers amou▓▓ Je n'avais aucune intention secondaire.

Ces souvenirs font se serrer mon cœur. Ce soir encore, je reviens de la tour. L'air été glacial, sous le ciel étoilé, mais je suis restée peut-être deux heures à l'attendre. Je suis épuisée. Il faut que je réfléchisse à l'avenir de l'Empire et que je planifie les prochaines opérations. Malgré tout, son visage est toujours la dernière chose que je vois avant de m'endormir. Sans elle, je me sens perdue face au destin qu'il me faut accomplir.

Le Journal d'EdelgardWhere stories live. Discover now