As Yet Untitled [ᴇɴ ᴄᴏʀʀᴇᴄᴛɪᴏɴ]

-34- bis

ASH
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Jem est toujours profondément endormi lorsque mon réveil sonne le lundi suivant.
Je cligne des yeux, repousse délicatement le bras qui me barre la poitrine et souris tendrement en le regardant dormir. Ses traits sont détendus, presque juvéniles maintenant que le sommeil s'est emparé de lui et que ses soucis se sont éloignés, emportés par les affres de l'inconscience.

Je me lève en silence et enjambe le corps inerte du chanteur. Il remue un peu et change de position pour se retrouver sur le ventre, un bras pendant dans le vide. Je rassemble quelques vêtements et les entraîne avec moi dans la salle de bains alors qu'un léger ronflement s'échappe de l'amas de couvertures que je viens de quitter.

Le soleil se lève à peine lorsque j'arrive enfin devant le salon de tatouage d'Alrick. Il m'a confié la lourde tâche d'ouvrir la boutique ce matin et d'accueillir Sam, la guest de la semaine afin de lui expliquer rapidement le fonctionnement du salon et de l'aider à s'installer.

Je baille en déverrouillant la porte et en allumant les néons grésillants. La journée d'hier a été longue et je ne suis pas au meilleur de ma forme. Le producteur d'Apollo Faces ne nous a laissé aucun répit et nous a fait travailler d'arrache-pied toute la journée sans se soucier du fait que le dimanche est en général sensé être un jour de repos... Il souhaite terminer l'enregistrement au plus vite pour pouvoir l'envoyer en mixage, l'intégrer au prochain album du groupe et pourquoi pas en faire l'un des singles.
Il pense réellement que cette nouvelle collaboration entre Jem et moi peut apporter au groupe un nouveau public autant qu'il tient visiblement à cœur de lancer ma « carrière ».

C'est d'ailleurs ce point précis qui m'intrigue. Je ne comprends pas pourquoi un homme comme lui, manager de plusieurs groupes à succès dont Apollo Faces, s'intéresse à une illustre inconnue comme moi sachant que je ne lui rapporterai rien du tout. Je n'ai signé aucun contrat avec lui si ce n'est un accord de confidentialité qui me contraint à ne rien révéler à quiconque de ce que j'entends au studio ainsi qu'un second document qui m'engage à accepter de ne rien réclamer de plus pour ma contribution au projet du groupe que la somme fixe énoncée au bas de la page et qu'on me versera à la sortie de l'album et encore, si j'ai apposé ma signature au bas de ces documents c'est uniquement pour n'avoir aucun problème avec qui que ce soit dans le futur. J'aurais accepté de chanter pour rien du tout si ce n'est pour le plaisir et la satisfaction de voir mon nom sur la pochette d'un album, s'il l'avait fallu. Même en tout petit.

J'ère comme un zombie entre les amoncellements de feuilles Canson et autres flashs colorés qui recouvrent le moindre centimètre carré de mur disponible et s'empilent sur les tables de travail. Les paroles du morceau que nous avons passé le week-end à travailler tournent déjà en boucle dans ma tête et j'ai beau apprécier le texte que Jem a écrit pour nous, la répétition de celui-ci commence à me rendre un peu folle. Pourtant, même si le rythme soutenu de l'enregistrement est compliqué à tenir et demande beaucoup d'énergie ainsi qu'une grande implication de notre part à tous, je le fais sans me plaindre, en savourant même chaque minute de cette expérience incroyable que je n'aurais jamais imaginé vivre un jour.

Peu avant huit heures, la porte du salon pivote et la sonnerie stridente annonçant l'arrivée d'un client agresse mes oreilles.

Je grimace.

— Bonjour ! lance une petite voix guillerette en s'avançant vers le comptoir qui sépare la salle d'attente de notre table de dessin.

Je me ressaisis et souris :

— Bonjour. Tu dois être Sam. Enchantée !

La jolie rousse aux cheveux courts s'avance vers moi et me serre dans ses bras.