Chapitre 12 - Partie 2

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Un souffle vint chatouiller le creux de son oreille, avant qu'une voix s'élève dans son dos :

— Je te retrouve enfin, mon cher traître.

Il se figea dans l'horreur, et une violente colère s'empara de lui alors qu'il se retournait pour découvrir son visage. Habillé d'une longue cape bordeaux, il abaissa la capuche qui couvrait son visage. Ses traits, tirés sous la colère, ses yeux bleus emplis de ténèbres. Il n'y avait aucun doute. Ses cheveux blancs se balançaient dans le vent tumultueux de l'après-midi, et ses lèvres ourlées ne prononçaient pas une parole à son égard, tandis qu'un monde de pensées semblaient se battre en son être.

— Nidaalh, balbutia le blond, sans comprendre.

Tout lui revint en mémoire à la vue de son regard méprisant, comme si, pour lui, tout avait eu lieu la veille. La culpabilité vint serrer sa gorge, tandis qu'il déglutit, sans oser lui faire face. Devait-il une fois de plus s'excuser d'un acte qu'il n'avait pas commis ? Il ne savait que dire devant la haine qu'il pouvait lire dans ses prunelles.

— Je t'avais dit que tu paierais, souffla l'homme d'un ton sec, les lèvres tremblantes.

Jinku se souvenait encore du jour où Nidaahl lui avait confié ces mots au creux de l'oreille. Ce jour-là, tout était morne et rouge. Le Settïk avait tremblé. Devant la barre, il avait regardé les Deus avec tristesse, tandis que tous s'exclamaient. Il se rappelait encore des mots de Juta à son égard, lorsque cette dernière n'avait ni plus ni moins enfoncé sa tête sous l'eau.

— Kiviaz, tu avais juré, sur les Ecrits de Ghiguen, de mener dans la lumière ton protégé, tel que le voulait ton rôle. Tu as échoué. Tu es le seul responsable de son acte impardonnable, et pour cela, je te bannis du Settïk, par la voix commune des Cieux.

Pourtant, il n'avait rien fait. Il avait tout fait pour l'apporter sur le bon chemin, lui éclairer la route à suivre, mais il avait été aveugle. Tremblant, les larmes envahirent ses yeux tandis qu'il avait fébrilement tenue la barre. Il ne savait que dire de plus que ce qu'il avait déjà dit. Mais il savait ce que tout cela signifiait. Il avait lancé un regard dans les tribunes, à la recherche de son visage, et il le trouva, assis sur le banc des accusés. C'était ainsi que leurs routes se terminaient, que ce voyage à peine commencé prenait fin. Et il n'avait même pas eu le temps de lui dire adieux.

On l'avait incité à se rasseoir, tandis que son protégé, lui, était venu à la barre pour être jugé de ses crimes. Juta, à nouveau, avait pris la parole pour s'adresser à l'assemblée.

— Exceptionnellement, nous accueillons en notre sein un demi-humain. Nous le considérons aujourd'hui comme un des notre et allons juger de son châtiment. Sanha Ulh, tu es accusé du meurtre de Zaya Nal, acte impunissable pour un être angélique. De plus, il se trouve qu'elle était sous la protection d'un ange gardien, tout comme toi, et chaque être humain.

Il n'avait rien dis. Pas un seul sourire, ni une seule ombre de remord. Il avait seulement fixé le sol, sans oser lever les yeux. Ses lèvres étaient tremblantes, et pourtant, il ne se défendit pas, mais n'avoua pas non plus. Dans l'assemblée, on avait pu voir l'ange en question, en proie à la haine. Il avait regardé Sanha fixement, en proie à la colère, comme si, au plus profond de son être, il s'imaginait lui faire vivre les pires tortures. Kiviaz, lui, n'avait pas prononcé un mot, déçu. Sanha avait-il réellement commis cet acte impardonnable ?

Il n'avait pas eu le temps d'y songer plus que Juta avait annoncé sa sentence, et qu'Adesnaraa, déesse du Destin, était arrivée à ses côtés, bouquin en mains.

— Sanha, nous te condamnons à l'errance éternelle entre les trois mondes. Tu partiras par le feu, afin d'expulser de ton corps toute souillure. Ainsi sera ta fin.

Alors qu'elle avait prononcé ces mots, Adesnaraa, elle, avait écrit ces lignes. Ainsi était bouclé le roman de sa vie, de son âme corrompue, condamnée à l'errance. Et ça, Kiviaz peinait à y croire. Il avait fixé Sanha dans l'espoir qu'il se prononce, qu'il s'explique, mais, à nouveau, pas une parole ne s'était échappée entre ses lèvres, comme s'il acceptait son sort.

La séance terminée, tout le monde avait commencé à sortir. Il avait lancé un regard contrit à son protégé qui était entraîné loin de lui par l'Ordre Angélique. Une dernière fois, leurs regards s'étaient croisés. Et alors que l'ange pleurait silencieusement, il avait cru lire sur ses lèvres :

— Au revoir.

Il n'avait pu que fondre en larmes alors qu'il lui souriait une dernière fois avant de disparaître dans un couloir, encadré par deux anges. Désormais seul en ces lieux, Kiviaz s'était effondré à terre. Tout son monde s'était effondré, et il n'avait rien pu faire, impuissant. Il s'était, après de longues minutes, décidé à sortir après s'être calmé. Devant lui était apparu Nidaalh, gardien de la jeune fille qu'avait tué de sang froid son protégé. Il lui avait adressé un regard méprisant, et s'était penché à son oreille pour lui susurrer :

— Tu me le paieras.

Il fut sorti de ses pensées par Nidaalh qui attrapa son col. La haine pourrissait ses yeux océans, envahis par des perles salées. Il tremblait de toutes parts, et chacun de ses mots étaient prononcés d'une voix saccadée, comme si l'amertume de ses tourments enraillait son souffle.

— Elle n'avait rien demandé ! s'exclama Nidaalh entre deux sanglots. Sais-tu à quel point tu m'as arraché le cœur dans cet acte ?

Jinku ne savait que dire, et se figea dans l'effroi lorsqu'il le vit sortir une lame de sa poche, de ses mains tremblantes.

— Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai mal, continua l'ange en approchant la lame de l'ange noir qui, sous la peur, ne cessait de reculer. Alors, avec le pouvoir des écarlates, je vais la ramener à mes côtés, d'accord ?

Un rire un tantinet fou s'échappa entre ses lèvres. Ce qu'il disait lui semblait si logique, si clair, si limpide. Il n'avait qu'à planter la dague d'Azur dans son cœur pour avoir la chance infime de pouvoir la ramener à la vie.

— Le pouvoir des écarlates ? Qu'est-ce que tu racontes ? demanda l'ange noir avec peur.

— Tuer un écarlate permet de faire revenir quelqu'un à la vie ! Et comme elle l'était, et que Sanha a hérité de ses pouvoirs en la tuant, tu dois les avoir.

Le blond était déconcerté devant son assurance. Il se heurta contre un de ses confrères, et ne put reculer plus alors que Nidaalh s'approchait de lui avec courage et détermination. Soudain, il fut surpris de voir les mercenaires se reculer et s'extasier de peur, et il ne comprit pourquoi que lorsqu'il posa à nouveau son regard sur l'ange. Une tâche vint maculer sa chemise blanche, alors que sa tête tombait en arrière, tout comme son corps qui chutait rejoindre la terre. Il le regarda longuement, observant son visage mate qui plongeait dans l'inconscience. Était-ce vraiment lui qui avait ruiné sa vie ? Il se mordit la lèvre avant de poser son regard sur son meurtrier.

Son corps, déjà serré dans l'étau de la peur, trembla plus brusquement encore. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il découvrit son identité. Son visage fin et blanc, était couvert de sang alors qu'elle souriait tendrement à celui qui se tenait devant elle.

— Huala ? balbutia-t-il, peinant à y croire.

Chrysanthème [TERMINÉ - PREMIÈRE VERSION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant