Au Méconnu Pays des Spectres

Chapitre 3 : Lord Bay

Anatole était sur vieille barque, au milieu de l'eau. Canne à pêche à la main, il guettait patiemment les saumons du lac qui se montraient, ce jour-là, bien paresseux.

— J'm'ennuis, bailla Arthur.

Son petit frère se tenait à l'autre bout de l'embarcation, et tenait dans ses mains une gaule plus petite qu'avait fabriqué le vieux Dan avec une antenne de radio, un peu d'aluminium et du fil de pêche.

— Sois patient, répondit Anatole. Il en faut, de la patience, sans quoi rien n'arrive. Pas même le saumon.

— Mais c'est chiant ! répliqua son frère. En plus j'aime pas le saumon, à quoi ça sert de pêcher si on mange pas de poissons, hein ?

— Ca t'apprends.

— Ca m'apprend quoi ?

— La PA-TIEN-CE.

— Eh bien moi, ça ne m'intéresse pas ! rétorqua l'enfant.

A ces mots, Arthur lâcha sa canne à pêche qui, chutant dans l'eau, se mit à couler à pic.

— Arthur ! gronda Anatole furieux.

Mais le mal était fait. Autour d'eux, du brouillard commençait à s'élever.

— Tu vas la chercher, maintenant ! exigea-t-il.

— Quoi ?! s'étonna son frère. T'es pas sérieux ?

— Si. Tu l'as jeté, tu te débrouilles maintenant. C'était TA responsabilité.

Le brouillard autour d'eux était de plus en plus dense. Bientôt, il les engloba totalement. Arthur, au bout de sa barque, semblait tétanisé.

— Mais je ne veux pas y aller, Anatole, s'il te plait.

— Ta responsabilité ! répéta Anatole d'un ton sévère.

Au loin, un son de cloche se fit entendre.

Dong. Dong. Dong.

— Anatole, s'il te plait !

— Vas-y ! ordonna Anatole.

Mais Arthur refusait de bouger, paralysé par la peur. Anatole se précipita vers lui.

— Tu vas y aller oui ? Après, il sera trop tard !

Son frère ne s'exécutant pas, Anatole, furieux, le poussa des deux mains.

PLOUF.

Arthur passa par dessus bord et tomba à plat sur l'eau avant de s'y enfoncer à son tour.

Aussitôt, Anatole fut pris d'une profonde panique : il se laissa tomber à genoux et chercha dans l'eau un signe de vie de son petit frère.

— Oh mon dieu, qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai fait ?!

Dong. Dong. Dong.

Ce ne fut pas Arthur qui émergea soudain de l'eau, à l'endroit même où il était tombé, mais une femme à la peau blafarde et aux longs cheveux noirs. Elle était d'une grande beauté et inspirait le calme, la sérénité. Pourtant, ses mots furent terrorisants :

— Il était temps, Anatole. Tu as fait ce que tu devais faire, c'était ta responsabilité. C'est trop tard maintenant.

*