Michael Gray » Peaky Blinders AU

« Chapitre 5 : To be continued. »

- Ça doit être une blague. C'est forcément une blague, ou une arnaque...

- Je veux pas te faire de fausse joie, commence Esme, mais moi, ça m'a l'air plutôt légitime comme truc. Laisse-moi voir de près...

   Je lui tends mon téléphone et elle s'assied sur le banc de l'arrêt de bus à côté de moi. Elle essaye de zoomer sur l'écran d'une façon qui me rappelle la façon dont mes parents manipulent la technologie. et il me revient à l'esprit que j'ai vu Esme regarder l'heure sur un téléphone à clapet une fois.

- Il y a ton nom, ton prénom, ta date de naissance... Oh, tu es Capricorne? Hm, oui, pourquoi pas... Et là, «assistante en secrétariat», c'est bien ce à quoi tu avais postulé? J'ai fait pareil aussi, c'est ce qui avait l'air le plus simple.

   Elle continue de parcourir des yeux le texte qu'elle fait défiler. Je ne comprends pas. Comment est-ce que c'est possible? Moi, travaillant 10 heures par semaine à la Shelby Company Limited? Dans un secrétariat? Je ne sais même pas ce que ça fait exactement un secrétariat!

- Je ne sais pas faire de secrétariat, je m'exclame en me tournant vers Esme. (Je ferme les yeux, puis les rouvre.) Oh, j'espère que ce mail est un faux, que c'est juste un troll qui s'est amusé à faire ça... Attends - (Je lui prends le téléphone des mains et ouvre une page vide de navigateur web.) Tiens, connecte toi dans tes mails et dis moi si tu as aussi eu ça.

   Il lui faut cinq bonnes minutes à tester toutes les combinaisons de mot de passe possible, mais elle arrive finalement à accéder à ses messages.

- Oh, Dieu du ciel! J'ai été prise! Regarde, c'est écrit, Esme Lee, nous avons l'honneur de vous annoncer que... Et comme toi, assistante de secrétariat! Peu importe ce que ça veut dire.

- On ne sait même pas ce que ça veut dire! 

- On ne sait même pas ce que ça veut dire, répète-t-elle, un grand sourire sur les lèvres.

   * * *

   Le mail donnait comme indication de téléphoner à un numéro de téléphone dès vendredi prochain, afin de pouvoir obtenir nos horaires de travail.

   Pendant le reste de la semaine, il était impossible de ne pas entendre les mots Shelby Company Limited à chaque coin de couloir dans l'université. A ma grande surprise, le nombre d'heureux élus n'est pas si élevé que ça. 

   Je trouve ça bizarre. Je veux dire - ok, j'ai vraiment pondu une très bonne lettre de motivation, mais... mais ils ne se sont quand-même pas que basé sur ça, ou bien? Peut-être qu'ils ont juste tiré au sort? N'ont que sélectionné des Capricornes? Il faut que je demande à Esme quel est son signe astrologique.

   Vendredi à la fin d'un cours de gestion, juste quand je m'appète à rentrer chez moi en vitesse pour appeler ladite compagnie, je sens quelqu'un me tapoter l'épaule tandis que je range mon cahier dans mon sac.

- Salut, me dit Isiah, assis dans la rangée derrière moi en souriant.

- Oh, salut. Ça va? 

- Yep, yep. Euh... je voulais juste te dire bravo, pour ton poste à la Shelby Company. (Devant mon air qui doit paraître un peu confus, il ajoute : ) Esme m'a dit. Enfin, elle m'a dit pour elle, et honnêtement je crois pas qu'elle aurait dit pour toi si je l'avais pas demandée, mais... Bref, bravo.

- Merci, vraiment, dis-je tout en essayant de m'imaginer une scène où Esme annoncerait la nouvelle à Isiah comme si c'était la plus belle chose sur Terre. Et toi, tu... tu avais fait une demande?

   Ces derniers jours, j'ai aussi vite compris que les heureux élus dont je fais partie ne sont pas forcément vus d'un bon œil par tout le monde - de la jalousie bon enfant, je suppose - mais je ne tiens à attirer les foudres de personne. Pas non plus d'Isiah, même s'il a l'air plutôt gentil et que je ne pense pas qu'il nous en tienne rigueur pour cela.

- Je travaille déjà pour eux depuis l'année dernière, donc non.

- Oh, mais c'est super! Je savais pas qu'ils prenaient déjà en première année, ou même que les contrats pouvaient se prolonger sur plus d'une année.

   Il secoue la tête.

- Non, mon contrat n'a rien à voir avec ton offre étudiante. J'y travaille depuis le lycée, parce que... disons que je connais des gens, explique-t-il de façon énigmatique avec un sourire en coin. 

- D'accord... (Face à son air pas peu fier de lui, je ne peux m'empêcher de rentrer dans son jeu : ) Est-ce que ça, c'est le moment où les filles se jettent à ton cou pour que tu les mettes en contact avec des gens? 

   Pendant un instant, il ne réagit pas, puis hoche la tête et son sourire s'agrandit encore plus.

- Ah, tu m'as bien eu... Mais ne t'inquiète pas, je vais trouver autre chose pour que tu acceptes ma demande d'ami sur Facebook.

   Sur le coup, je suis tentée de faire comme si je n'avais pas eu la notification au moment même où il l'a envoyé, il y a trois jours de cela. Mais finalement, sans vraiment savoir à quoi je joue, j'hausse les épaules.

- Tu peux toujours essayer, mais je garantis rien, dis-je en feignant le sérieux. 

   Il lève son index dans ma direction.

- Oh, j'aime bien vers quoi on va là, Linn Pritchard... (Il jette un coup d'œil à son portable.) Bon, c'est pas que je tiens particulièrement à mettre fin à cette conversation mais a) il pleut et b) mon bus part dans trois minutes précisément et c) tu n'imagines même pas le temps que ça prend pour arriver à ce résultat - (Il désigne sa coupe de cheveux.) - donc d) je vais devoir y aller mais e) cette discussion est to be continued comme on dit...

   Avant que je n'ai le temps d'ajouter quoi que ce soit, il s'est déjà levé et je le vois commencer à courir en sortant de l'amphi. Et bien, il y en a un qui est pressé.

   A mon tour, je me mets en route pour rentrer - et c'est en jetant un regard à l'horloge dans le couloir que je me rends compte que le bus après lequel Isiah vient de se lancer est très certainement le même que le mien, que je viens donc de toute évidence de louper.

   * * *

   Quand j'arrive à l'appartement quinze minutes plus tard - même pas trempée, car étrangement il ne pleuvait pas - je troque mon jean pour un legging plus confortable et m'assieds en tailleurs sur mon lit. Olivia est encore en cours, ce qui m'arrange car je n'aime pas spécialement téléphoner devant un public. Je compose le numéro sur mon portable et après deux sonneries seulement, une voix féminine me répond à l'autre bout du fil.

- Service des ressources humaines de Shelby Company Limited, comment puis-je vous aider?

- Oui, bonjour, euh... j'ai été sélectionnée dans le cadre du programme de l'Université de Small Heath...

   J'ai passé presque vingt minutes au téléphone, le temps que la dame dont je n'ai pas bien compris le prénom m'explique comment tout allait se dérouler. 

   Je travaille du lundi au vendredi de 8h à 10h, dans les bâtiments originaux de la Shelby Company, au milieu du quartier Small Heath. Tant mieux, c'est à deux pas du campus, donc je pourrais quand-même assister aux cours de 10h avec relativement peu de retard. Ouf. J'avais un peu peur de me retrouver dans une des dizaines de tours énormes de l'entreprise florissant en banlieue, mais il semble que la chance ait été de mon côté pour ce coup là. Il faudra que je demande Esme si l'univers a également été en sa faveur.

   Lorsque j'ai essayé de poser des questions sur les tâches que j'aurais à faire, la dame n'a malheureusement pas pu me donner plus d'informations que ça, mais m'a néanmoins fait comprendre que je ne devais pas m'attendre à beaucoup plus qu'à du classement de papiers ou à des vérifications de calculs. Bon, ça devrait le faire.

   J'ai noté sur un post-it que j'ai collé contre le mur en face de mon bureau mes horaires de travail, et surtout la date de mon premier jour.

   Lundi 8 novembre.

   Lundi prochain, donc.