7 - frêle

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On avait toujours dit de Tim qu'il était un enfant frêle. À la peau de papier, aux os de verre. Un enfant capable de se briser si facilement. Et ... c'était vrai. Tim était fragile, dans tous les sens du terme. Mais il avait appris à s'endurcir. On ne lui avait pas laissé le choix, après tout.

- Bon sang, mais tu saignes en plus ?! s'écria Jean en passant une main dans ses cheveux.

Il soupira et ferma les yeux, trop fatigué pour protester. Le fait de sentir ses mains sur sa peau le révulsait, mais il était trop faible pour pouvoir faire quoi que ce soit face à ça. Et il avait mal absolument partout. Beaucoup trop mal.

La lumière de la cuisine où Jean l'avait amené était beaucoup trop forte, mais il n'avait pas la foi de protester. Il était juste épuisé.

Ce matin, il avait réussi à somnoler sur le banc, peut-être à dormir une heure ou deux, mais pas plus. Du moins, jusqu'à ce que Raspoutine ne vienne lui lécher la figure. Bon sang, ce clebs lui avait collé la crise cardiaque de l'année. Et il ne fut quasiment pas étonné de voir Jean arriver presque immédiatement après, cet idiot. Tel chien, tel maître, pas vrai ... ? Un maître qui, actuellement, était en train de l'inspecter sous tous les angles possibles et imaginables, avec une expression horrifiée.

- Mais qui a osé te faire ça ?

- Laisse tomber.

Jean serra les lèvres, mais lui envoya un regard parfaitement explicite : "je ne lâcherai pas l'affaire." Quelle plaie, putain.

- Tim ... Ok, alors, ne t'énerve pas.

- Quoi ?

- Déshabille-toi.

- Non.

Il lui fit les gros yeux, en croisant les bras, mais Jean fronça les sourcils.

- Me prends pas pour un con. Je sais très bien que tu es blessé autre part qu'au visage.

- Non.

- Tim ...

- Non.

Jean soupira longuement, mais finit par s'accroupir devant lui, l'air plus tendu qu'il ne l'aurait cru.

- Tim, je suis désolé de te demander ça comme ça, mais j'ai peur.

Ce mot, ce simple mot, lui fit lever la tête. Et le regard qu'avait Jean manqua de le faire vaciller. Un regard ... inquiet. Purement inquiet. D'habitude, Jean le regardait avec ennui, frustration, ou exaspération ... mais jamais avec autant d'inquiétude. Comme si ... Jean se souciait vraiment de lui, actuellement.

Tim soutint encore son regard, un instant ... et capitula, avec un long, long soupir.

Heureusement, aujourd'hui, il n'y avait personne, à sa maison. Ses parents étaient en voyage, et Jean était enfant unique. Sa grand mère devait passer dans l'après-midi, mais en attendant, ils étaient seuls. Enfin, seuls, s'il ne comptait pas Raspoutine, qui s'était roulé en boule aux pieds de Jean.

Tim n'aimait pas ça. Pas ça du tout, être exposé. Mais ... il était épuisé. Trop pour se battre. Et ce qu'il avait lu dans le regard de Jean l'avait fait céder.

Alors il leva ses mains engourdies, et commença à se défaire de son manteau, en tremblant. Un peu trop sans doute. Il grimaça, alors qu'il tentait de faire glisser la fermeture éclair, ayant l'impression que son corps n'était ni plus ni moins qu'une immense plaie béante, mais Jean finit par intervenir. Doucement, il attrapa ses poignet, et les retira de sa veste, ses yeux noirs lui posant une question silencieuse.

Tim accepta avec un long soupir, et Jean arriva à défaire la fermeture éclair avec une étrange délicatesse pour une brute comme lui.

Sauf que Jean était tout sauf une brute. Un sportif doué, arrogant peut-être, et très certainement buté ... mais il était loin d'être la brute superficielle qu'il semblait être au premier abord.

- Je peux retirer ton t-shirt ?

En guise de réponse, il leva les bras, aussi haut qu'il le put, et Jean le lui retira avec autant de lenteur que de précaution. Tim ferma les yeux sous le coup de la douleur, et attendit. Jean sembla se débarrasser du vêtement, et il y eut un court instant de flottement, avant que Jean ne lâche un vif hoquet de stupeur.

- Pour l'amour du ciel, Tim, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Que t'est-il arrivé ?!

Ce fut peut-être ce drôle d'accent dans sa voix qui lui fit rouvrir les yeux. Ou Raspoutine, qui décida d'aboyer. Ou tout simplement lui, qui voulait constater de lui-même ses propres dégâts.

Mais quand il baissa le regard sur son torse marbré de bleu, de jaune, de violet, tout en sachant combien se devait être pire dans son dos ou sur ses jambes ... Tim referma les yeux. Et durant un instant, il souhaita ne plus jamais les rouvrir.

Tim était frêle, depuis toujours. Alors sa peau marquait facilement. Peut-être un peu trop.

Beaucoup trop. Et Tim en avait assez, d'être frêle.

Âmes TrouvéesWhere stories live. Discover now