25 - blessé

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- Ça va ?

Pas vraiment. Non. Pas du tout.

Et à la fois ... Si.

Tim n'arrêtait pas de se rejouer la scène. En boucle.

Sa mère, Sam, sa blessure, Jean, sa grand-mère ... La rage de sa mère, les arguments ...

Et la voiture, qui s'éloignait ...

Ils ... Elle ...

Et maintenant ...

Il cligna des yeux, et l'image de la voiture s'éloignant fut remplacée par un Raspoutine remuant. Les cris et la tension ambiante l'agitait beaucoup trop.

Mais maintenant, tout était calme. Trop calme. Trop silencieux.

Bordel.

Bordel de merde. Il n'arrivait toujours pas à réaliser.

Et il tremblait comme une feuille.

- Eh, Tim.

Il releva la tête vers Jean, un peu surpris. Son regard était concerné. Un peu trop.

- Je ... Tu veux encore de la soupe ? demanda-t-il, presque avec timidité.

- ... Oui, s'il te plaît.

Jean lui fit un sourire un peu contrit, et lui resservi un grande louche, dans sa tasse. Une soupe dans une tasse. Pourquoi pas ? Il avait vu plus dingue.

Il le remercia d'un geste de la tête, et souffla dessus avant d'en boire une gorgée. Jean s'installa juste en face de lui, et soupira longuement.

Jean ... Jean. Jean Calvez. Putain. C'est lui qui avait fait ça. Lui et ...

Sa grand-mère. Sa sacrée grand-mère. Il se tourna vers elle, à l'autre bout de la cuisine.

Elle s'occupait de la blessure de Sam, le plus doucement et délicatement du monde.

Son frère avait pleuré jusqu'au moment où ils étaient rentrés dans la maison, pour trouver Raspoutine. Il avait toujours aimé les animaux, particulièrement les chats et les chiens. Il avait toujours rêvé d'en avoir. Mais leur mère ...

Putain. Ils allaient devenir quoi, maintenant ?

Tim avait dit que plus jamais il ne voulait remettre les pieds chez elle ... Mais ... Ils allaient bien devoir rentrer à un moment où à un autre ...

Tremblant, il reposa la tasse avant de la renverser, le regard rivé sur la table devant lui.

- On va devenir quoi, maintenant ? souffla Tim, plus pour lui-même qu'autre chose.

- On va rentrer ? demanda Sam, d'une toute petite voix, les yeux encore rouges.

En l'entendant parler, Raspoutine s'agita, et il alla rejoindre son petit frère en remuant de la queue. Sam s'illumina en le voyant, et il plongea sa main dans l'épaisse fourrure de l'animal.

- Si vous le désirez, vous n'avez pas à rentrer, répondit la grand-mère de Jean, en appliquant une sorte de pommade sur la joue meurtrie de Sam.

- Comment ça ?

- Jean m'a expliqué beaucoup de choses. Et ... j'ai moi-même quelque expérience dans le domaine.

Tim tiqua, en saisissant le sous-entendu dans ces mots. Elle finit par se redresser, en faisant un doux sourire à Sam, qui le lui renvoya timidement, avant de retourner à Raspoutine, sans doute heureux d'avoir quelqu'un lui apportant de l'attention.

- Je sais comment fonctionnent ces procédures. Par cœur. Je sais aussi comment s'arranger pour qu'elles se déroulent au mieux.

- Comment ça ?

- J'ai des connaissances dans le domaine juridique. J'ai travaillé dans des associations, dans une clinique, également. J'ai vu passer beaucoup de choses. Vu beaucoup de cas. Et j'ai des appuis.

Que voulait-elle dire ? Comment ça ? Quoi ?

Et Jean, qui restait si silencieux ...

- Je ne comprends pas.

Elle referma la boite de premier secours qu'elle avait sorti pour soigner Sam, et se retourna vers lui. Il brillait dans son regard une lueur qu'il faillit ne pas reconnaître. De la bienveillance. Et une affection réelle.

- Je peux vous aider. Toi et Sam.

Il prit une expiration saccadé. Il souffla longuement. Ses yeux s'embuèrent, et ... il secoua la tête.

- Je ... Je ...

- Tu n'as pas à être seul, Tim. Toi et Sam. Ça suffit. Vous avez beaucoup trop souffert.

Il secoua la tête, encore, de plus en plus fort ...

- Je ne peux pas, je ... Je n'ai pas ... L'argent. Et Sam ... Et moi, je ... les foyers ...

Il n'arrivait pas à formuler de phrases complètes. Il menaçait de sangloter au moindre instant.

Mais sa grand-mère secoua la tête, à son tour.

- Je ne discuterai pas d'argent avec toi. Quant à cette histoire de placement ... Ma maison est grande. J'habite à seulement deux pâtés de maisons d'ici.

Il avait mal entendu. Non. C'était stupide. Complètement stupide. Et ... ça ne pouvait pas être aussi simple.

Non. Non ... Non ?

- Je ... Je ... Vous ... Ne nous connaissez pas ... ?

- Selon Jean, vous êtes des enfants adorables. Et si ça ne colle pas, je connais des personnes tout aussi responsables, et respectables. De confiance. Qui sauront prendre soin de vous.

"Comme ELLE ne l'a jamais fait", semblait-elle vouloir dire.

Sam lui jeta un regard perdu. Quand à lui ... Il pleurait. Avait des hoquets. Menaçait d'exploser.

- Tim ... Non, non, Tim, eh, Tim ...

Jean fit le tour de la table, rapidement, et s'accroupit devant lui, en prenant ses mains, cherchant son regard des yeux. Jean ... Jean.

- Eh, tout va bien. Je suis désolé, j'aurais dû t'en parler, j'aurais dû te demander l'autorisation, j'aurais dû ... Pardon. Pardon Tim. Mais cette femme ... Je ne voulais pas ... Je ne voulais plus qu'elle te fasse du mal. Et ... à Sam aussi. Vous ne méritez pas ça.

Hier, il avait appelé Jean à l'aide. Et ... il lui avait promis que ça irait. Il lui avait promis de l'aide.

Jean ... Jean, Jean, Jean, Jean.

- Je suis désolé, Tim, je ...

Il ne le laissa pas finir. Il bascula dans les bras de Jean. Le serrant contre lui, de toutes ses forces. Et les sanglots prirent le dessus.

Jean le serra aussi, lentement, mais avec autant de force.

Sam arriva, à son tour, et il serra.

Et enfin, pour la première fois depuis très longtemps ...

Tim commença à sangloter.

Il avait mal. Si mal. Tellement mal.

Sam pleura, à son tour. Jean aussi. Raspoutine commença à couiner.

Et Tim continua de pleurer.

Tim était blessé. Dans son cœur, dans son âme, dans sa vie.

Il l'avait toujours été. Avait toujours rêvé d'une porte de sortie.

Et là ... Et là, peut-être qu'enfin ...

Tim était blessé, oui. Sam aussi. Ils étaient des écorchés vifs, même.

Mais maintenant, peut-être qu'ils pourraient enfin commencer ... à guérir.

Parce que maintenant, pour la première fois ... Tim pouvait entrapercevoir un futur. Un bon futur.

Pour lui et Sam.

Et c'était tout ce dont il rêvait.

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