La fille du Select

Chapitre 8

– Alex... Je suis ravie que tu aies pu venir... Quand je pense que nous n'avons pas eu d'occasion de nous voir depuis une éternité... J'ai appris que tes fiançailles avaient été rompues ! Quel dommage ! Cela va donner un travail titanesque à tes parents pour tout décommander. Tu vas bien tout de même ? Il faut absolument que je téléphone à Marie-Amélie, un de ces jours, il y a des lustres que nous n'avons pas bavardé, toutes les deux ! Comment va-t-elle en ce moment ?

– Maman va très bien, merci.

Alex soupira et espéra que Bella ne mettrait pas sa menace à exécution : il savait que sa mère avait du mal à la supporter.

La mère de Jean avança avec lui sur la terrasse et Alex espéra qu'elle allait abandonner le sujet au plus vite. Il allait la saluer et passer son chemin quand elle reprit :

– Mais j'y pense, tu ne connais pas Claire ? La plus jeune de mes filles ? Elle est charmante et très sympathique. Tu pourrais l'inviter au théâtre, elle adore ça ! Et toi ?

Sans lui laisser le temps de répondre, elle le prit par le bras en affirmant :

– L'après-midi va être charmante. Tu pourras rencontrer Hélène de la Combe et ses trois fils. Tu les connais déjà, sans doute ? Savais-tu qu'Hélène est la dernière descendante directe du roi de Belmonte ? C'est incroyable n'est-ce pas ? Nous nous connaissons depuis des années. Elle est merveilleuse... Et Dolorès Machado l'a déjà invitée à son mariage ! Son mari est très drôle quand il ne boit pas... Et si tu aimes la chasse, ils pourront t'inviter dans leur domaine en Sologne, ils ont une propriété extraordinaire...

– Maman va bien, elle était très occupée, c'est sans doute pour cela qu'elle n'a pas pu vous appeler, Bella... expliqua Alex pour interrompre la litanie de Bella de Millian.

– Tu lui diras que je pense bien à elle, Alex. Elle est si charmante... Je vais lui rendre visite très bientôt mais elle va avoir un travail fou avec ce mariage à annuler !

Alex écoutait d'une oreille le babillage inintéressant de Bella et se réjouit lorsqu'elle le lâcha enfin pour aller saluer un autre de ses invités. Il fit quelques pas sur la terrasse dallée et se souvint des fameux après-midis qu'il avait passés dans cette maison et son parc immense avec son bassin et sa cabane perchée dans les arbres... La mère de Côme voyait souvent Bella qui était une amie d'enfance mais la sienne ne la supportait pas... Les pensées d'Alex s'attardèrent sur sa mère... Lorsqu'elle avait appris que le mariage était annulé, elle avait aussitôt proposé à son fils de prévenir elle-même les invités. Il lui en avait été très reconnaissant et avait tout autant apprécié qu'elle ne lui pose pas de questions sur la rupture. Alex avait décidé de ne pas en parler pour ne pas passer pour un imbécile. Seul Côme était au courant et Alex savait qu'il serait aussi muet qu'une tombe.

Son meilleur ami avait tout fait pour le sortir de ce qu'il pensait être une grande dépression mais Alex devait reconnaître qu'il pensait fort peu à son ex-fiancée. Il n'avait écouté aucun de ses innombrables messages et, au fil des jours, ceux-ci s'étaient faits plus rares.

Une semaine après leur rupture, devant la bijouterie De Beaupuy il ne songeait plus à elle. Ce qui l'obsédait, en revanche, c'était la fille du Select – dont il ne connaissait pas le nom. Dans les deux jours qui avaient suivi sa nuit à l'hôtel, toute la scène lui était revenue en mémoire et il n'arrivait pas à repenser à elle sans que tout son corps ne se mette à brûler de désir. Il savait que c'était stupide. Il avait trop bu ce soir-là, il n'avait pas dormi et la princesse de contes de fées qui restait dans sa mémoire volerait en éclats s'il la revoyait en plein jour.

Alex n'avait rien contre les prostituées, il pensait que c'était un mal nécessaire et que quelques-unes devaient être bien courageuses pour supporter les avances de certains hommes... Mais il avait beau savoir que la nuit et l'alcool embellissent tout, il ne pouvait empêcher son sexe de devenir dur comme du marbre et son sang de chauffer dans ses veines lorsqu'il évoquait cette fameuse nuit. Bien sûr, il avait pris la résolution inexorable de ne plus penser à elle mais c'était impossible : chaque brune aperçue de dos dans la rue, chaque silhouette longiligne faisait battre son cœur plus vite et apparaître dans son cerveau des images de leur étreinte. Non. Décidemment, Séléna n'avait plus aucune place dans son existence.