Je suis ton ombre

Partie 40

Point de vue de Maëva

Les acclamations des invités m'entourent d'un brouhaha désagréable. Je signe maladroitement le contrat de mariage avant de glisser ma main dans celle de Damien. Je la serre de toutes mes forces alors que nous remontons l'allée centrale, mais c'est uniquement parce que la foule m'oppresse et me terrifie.

Une fois sortis, tout se déroule très vite. A l'habituel lancer de grains de riz succède la prise de photos et le lancer de bouquet, puis nous rejoignons tous nos voitures pour retourner vers le lieu où se déroulera la fête. Damien m'ouvre galamment la portière arrière d'une sublime limousine noire en me faisant signe d'entrer avant de prendre place à mes côtés.

Dès que la porte se referme, je me sens plus tranquille. Les bruits des gens se sont atténués, et si je ferme les yeux je pourrais presque croire que tout ça n'est qu'un mauvais rêve. Presque.

-Mon amour, murmure Damien en posant ses mains sur mes joues et son front contre le mien. Mon épouse adorée. Je n'ai pas eu l'occasion de te le dire, mais tu es la femme la plus resplendissante qu'il m'ait été donné de voir.

-Merci, je réponds, la gorge serrée.

Il pose ma tête sur son épaule et me caresse les cheveux tandis que le chauffeur démarre. J'attends quelques secondes avant de poser la question qui me brûle les lèvres.

-Alors ça y est, tu vas laisser partir Alex ?

-Pas tout de suite, me répond-il distraitement. Tous les termes du contrat n'ont pas encore été remplis.

Mon cœur rate un battement. Je devais l'épouser, c'est chose faite, que lui faut-il de plus ? Quand bien même je n'ai aucune carte en main, sa parole devrait le forcer à respecter notre marché...Non ?

-Quand ? je lui demande d'une voix inquiète.

-Demain matin si tout va bien, dit-il tranquillement.

Je lève la tête vers lui en fronçant les sourcils. Il tourne son regard vers moi et la lueur de désir qui y brille vient apporter la réponse à ma question muette. Je baisse immédiatement les yeux. Idiote. La nuit de noces. Bien évidemment, il a tout intérêt à garder son moyen de pression sur moi le temps de satisfaire ses envies. Et c'est une condition nécessaire pour que le mariage soit consommé...Je me mords la lèvre pour empêcher les larmes qui me montent aux yeux de couler. A chaque moment son problème. Pour l'instant, je dois rester concentrer sur les manières que je vais trouver de survivre à cette soirée.

Nous arrivons bien trop rapidement à mon goût. Je n'ai posé un pied hors de la voiture que je suis de nouveau entourée de démonstrations de joie et de félicitations.

Je suis bien forcée de reconnaitre que les gens chargés de la réception ont fait du bon travail durant le court laps de temps qu'ils avaient pour tout mettre en place. Des tentes blanches ont été dressées çà et là et des lampions illuminent l'ensemble du jardin. Des serveurs déambulent, apportant boissons et petits fours aux convives. Un grand espace a été dégagé au centre pour les danseurs, mais il est pour l'instant envahi par des invités qui discutent gaiement entre eux. Au milieu de cette marée de gens bien habillés, j'ai l'impression de participer à ce genre de soirées que l'on ne voit que dans les séries américaines. Un orchestre que je n'avais pas encore vu se met alors à jouer. Damien me tend une main que j'accepte,  la foule s'écarte, et nous nous élançons sur la piste.

                                      ***

Je passe une bonne partie de la soirée à serrer la main et à recevoir des félicitations de la part d'inconnus aux sourires factices et à l'air faussement aimable. Lorsqu'enfin je parviens à m'extirper de cet amas de rapaces, j'aperçois Charlotte un peu plus loin et me précipite vers elle en attrapant une coupe de champagne au passage, trop heureuse de voir un visage connu auquel me raccrocher.

Elle m'accueille d'un sourire sincère qui me réchauffe le cœur.

-Tu es superbe.

Je lui souris en retour. La culpabilité m'envahit. Nous nous n'avons pas eu l'occasion de reparler de ce qui s'est passé la veille, mais après ce que m'a dit Alex il est évident que Charlotte est dans mon camp.

-Ecoute...je suis désolée d'avoir douté de toi, je me lance. J'ai eu peur, ce que tu me disais était trop beau pour être vrai.

-Et tu as eu raison de réagir comme ça, soupire-t-elle, j'aurais dû le prévoir. C'est moi qui m'excuse d'avoir réagi si mal. La vérité, c'est que je n'ai même pas envisagé la possibilité que tu refuses un plan de sortie, surtout après le temps que j'ai passé à l'élaborer et l'espoir que je place dedans.

Je prends sa main et la serre.

-Tu as toute mon attention maintenant.

Elle me regarde puis m'entraine un peu en retrait.

-Reste naturelle, m'intime-t-elle, et écoute-moi jusqu'au bout avant de poser des questions si tu en as.

Je hoche la tête en prenant une gorgée d'alcool.

-Demain, quand les invités seront partis et qu'il ne restera plus que les trois frères et nous, je vais mettre le feu à la maison.

Je manque de m'étouffer avec le liquide et crachote.

-Je t'ai dit de rester naturelle !

-Excuse-moi, je tousse. Tu peux continuer.

-Bon...Alex qui sera parti dans la matinée aura eu le temps d'aller chercher...de l'aide. Ils nous attendront en embuscade près de l'entrée de la résidence, mais ils ne pourront pas rentrer à cause du portail. Seul Damien pourra l'ouvrir. Il faut que tu saches qu'à partir de demain, il te laissera circuler librement dans la maison, c'est pour cela que la sortie sera si contrôlée.

-Qui sont ces aides ? La police ?

Charlotte pousse un soupir.

-Pour être tout à fait transparente avec toi, je ne sais pas, c'est Alex qui gère cette partie. Je lui fais confiance et il faut que tu le fasses aussi si tu veux que nous nous en sortions.

Je hoche la tête en silence.

-J'arrive à la partie la moins agréable du plan...Tu comprends bien que l'objectif est d'amener Damien à ouvrir le portail. Pour ça, il faut que le feu prenne suffisamment pour que la fuite soit la seule option. Autrement dit, je vais avoir besoin de temps. C'est là que tu entres en scène. Il faudra que tu trouves un moyen de distraire Damien le plus longtemps possible.

-Comment ? je chuchote.

Elle se retourne vers moi et me regarde d'un air peiné. Je comprends alors que le moment est venu. Le moment de montrer si je suis réellement prête à mourir plutôt qu'à vivre prisonnière. Le moment du choix. Je vide ma coupe d'un trait et la troque pour un verre plein, un sourire aux lettres.

-Tu peux compter sur moi, je lui dis sereinement.

Je me tourne vers elle. Je lis dans ses yeux la même chose qu'elle doit voir dans les miens. Nous avons toutes les deux attendu trop longtemps de retrouver notre liberté. Il est temps de changer la donne, ou de perdre la vie. Quant à la troisième option où nous serions démasquées avant d'avoir pu mettre le plan à exécution...elle est inenvisageable.
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Bonne année à tous <3