Et plus j'monte plus j'ai mal

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PDV JASMINE

Je sers les dents et regarde mon nouvel appartement. Ça ne change pas de Corbeil, c'est le même décors. Des barres d'immeubles partout où je regarde, des guetteurs, des enfants encore innocents qui jouent en riant, insouciants de ce qui se passe autour d'eux. J'avance en ravalant mes larmes.  La seule chose qui me fait tenir c'est de me dire que c'est pour sa sécurité. Surtout vu comment sa vie a changé. C'est pour sa sécurité. Je ne pouvais pas faire autrement, c'est pour sa sécurité. 

En mettant mes effets personnels dans mon nouveau chez-moi, je n'arrête pas de me répéter que c'est pour ça et rien d'autre que je suis là. Pour lui. J'étais obligée. Cette litanie dans la tête me permet de ne pas devenir dépressive. Devant l'administration, ma demande de mutation dans un autre établissement est passé crème, je n'étais pas la première à effectuer une demande après un an aux Tarterêts et avec les point cumulés, il n'y avait eu aucun souci à me changer d'établissement. Je n'ai prévenu personne, en une nuit, tout était chargé et prêt à partir. Je savais qu'ils se poseraient des questions et chercheraient à le retrouver pour avoir des explications sauf que c'était impossible dorénavant. Mettre en premier le nom de famille de ma mère à la place de celui de mon père a été ma priorité avant mon départ pour ne pas être retrouvée. Il ne devait pas me retrouver, il ne devait plus me parler. La seule chose qui me réconfortait dans cette nouvelle vie, c'était de voir son visage dans les clips. C'était la seule chose qui me restait de lui ainsi que ses t-shirts qui trainaient à la maison et un ancien paquet de cigarette. Je garde le tout, précieusement. C'est les seules choses qui me connectent à lui. C'est les seules choses qui me permettent de ne pas douter qu'il a existé. Que je n'ai pas rêvé tout ça.

Je n'arrive même plus à prononcer son nom. Je m'efforce d'effacer tout ce qui a un lien de prêt ou de loin avec le 91. Encore une fois, je fais ce que je sais faire de mieux : glacer mes sentiments. Je range toutes mes affaires dans ce qui sera mon appartement pour un moment en me disant que lui est en bonne santé et en sécurité. Tant qu'il va bien, tout me va. La tâche est épuisante, du fait de mes nombreux allers-retours entre les cartons et les différents meubles et armoires. Ça me fait du bien car je ne pense pas. En rangeant physiquement, je range mentalement. Chaque chose est à sa place comme il se doit. Je n'ai pas à réfléchir, chaque objet a une place et finit à sa place. Une fois la tâche de rangement finie, je me regarde dans le miroir. Les joues creuses témoignent de ma perte affolante de poids. La dernière fois que je me suis pesée, j'en étais à 43 kilos. Les cernes sous mes yeux trahissent mes insomnies à pleurer en pensant à la moitié de moi-même que j'ai laissé aux Tarterêts. Je ne suis plus que le fantôme de moi-même. Mes yeux ne dégagent qu'un vide. Les auteurs déclarent souvent que les yeux reflètent l'âme, les miens reflètent le vide. Comment avoir une âme lorsque j'ai laissé la mienne?

Absolument personne ne sait ce qui est arrivé. Mes proches ne sont pas dupes, quand j'ai débarqué à Argenteuil avec toutes mes affaires déclarant changer d'établissement, mon père et mon frère n'ont pas bronché par contre ma mère a vite froncé ses sourcils sentant que quelque chose s'était tramé là-bas. J'avais coupé court à toute discussion en lui disant que personne ne m'avait fait de mal. C'était à ma propre initiative. Ce que je ne savais pas, c'était que c'était moi qui avait fait du mal en cherchant à protéger. Je nous avais détruis. 


PDV EXTERNE

- OUAIS OUAIS OUAIS OUAIS OUAIS !!!! 

La foule criait en coeur avec Tarik et Nabil. Les deux étaient défoncées à souhait. Tarik se maitrisait  quand même gardant un self-contrôle pour éviter tout bad buzz alors qu'ils commençaient seulement à sa faire un place dans le milieu du rap. On ne pouvait pas en dire autant de son frère qui combinait whiskey et beuh pour encore une fois oublier. Il ne lui restait plus que ça. Le rap, sa famille et l'argent. Il avait l'argent, il n'avait plus faim et savait que jamais ça ne l'abandonnerait. Il se défonçait pour faire la différence. Il noyait sa peine dans l'alcool, la drogue et la musique. 

La bouche pleine pourtant vide (PNL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant