Chapitre 1

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 Le soleil approchait de son zénith, et il commençait à faire faim. Fraîchement arrivée dans le village, et l'œil attiré par une pancarte qui promettait « les meilleures galettes de la région », Khulan baissa la tête pour entrer dans la petite auberge. À l'intérieur, la truffe de la guerrière palpita, ensorcelée par les odeurs de beurre chaud et de sucre qui flottaient dans la salle commune. La grande louve humanoïde observa un instant la pièce vide et marcha jusqu'au comptoir. Aux yeux de Briar, l'aubergiste, son armure et son épée à deux mains offraient déjà une vision impressionnante ; mais elles étaient pourtant éclipsées par la personne qui les portait. Grande et musculeuse, la femme roavdyr avait une fourrure aux tons gris-bleus et une épaisse crinière d'un gris clair. Son air était bonhomme, mais quand elle lui sourit ses babines s'écartèrent pour laisser entrevoir deux impressionnantes rangées de crocs.

— Qu'est-ce que je vous sers ? demanda Briar de son ton le plus chaleureux.

— Je m'appelle Khulan, répondit la louve en s'appuyant contre le comptoir avec un soupir fourbu, et votre pancarte dehors parle de galettes.

— Les meilleures de la région !

— Celles-là mêmes ! Et sachez, mon vieux, que cette promesse n'est pas tombée dans l'œil d'une sourde.

— C'est parfait ! assura l'aubergiste en se détournant. Laissez-moi juste aller vérifier s'il y en a déjà une de prête.

Briar n'avait jamais rencontré de roavdyr d'aussi près : à peine en avait-il vu parfois courir en meute au loin, leurs silhouettes de loups aux allures d'hommes filant à travers la plaine. Il était donc surpris d'en avoir soudain une en face de lui ; mais il n'avait pas peur. Il savait que son cousin Hems le forestier marchandait avec la communauté qui vivait non loin de sa cabane, de l'autre côté du Bois Roux, et il était toujours là pour en parler. Ce n'étaient pas des monstres sanguinaires, comme le prouvait la figurine en bois de pin que Hems avait apporté comme cadeau au solstice d'hiver. C'était censé être un mouton, mais le roavdyr qui l'avait sculpté n'en avait apparemment jamais vu. Cependant l'effort était louable, et l'étrange créature avec ses quatre cornes et sa longue crinière avait fière allure sur le comptoir de l'auberge : elle ne manquait jamais de susciter la curiosité.

— Mavel ? appela Briar en passant la tête par la porte de la cuisine. Y'a une galette de prête ? On a une cliente.

Son époux, un homme aussi mince et sec que lui-même était rond, ne leva même pas la tête des légumes qu'il était en train de découper.

— Une galette pour combien de personnes ? Elle est avec qui ?

— Heu, elle est seule, mais crois-moi, je pense qu'une galette entière lui conviendra.

Mavel tourna le regard vers lui, plissa les yeux, et se lissa la moustache pensivement.

— Écoute, demande-lui si elle veut prendre son repas en attendant, ça sera prêt d'ici là.

Briar acquiesca et retourna derrière son bar. La roavdyr était en train d'enlever des morceaux de boue séchée de ses poils de bras et lui sourit à nouveau.

— J'ai vu les tonneaux là-derrière, dit-elle, je peux avoir du cidre en attendant la galette ?

— Ah mais bien sûr ! Par contre, ce n'est pas encore prêt, mais si vous voulez manger ici, on a du poulet rôti d'hier. La galette sera prête pour le dessert.

Khulan considéra l'offre et hocha la tête.

— Ça me va très bien. J'aurai quelque chose dans le ventre pour repartir, c'est parfait.

— Vous ne restez pas au village ? demanda Briar en lui servant une chope de cidre.

— Non, j'ai encore de la route. Merci pour le cidre, je vais aller m'installer.

— Prenez n'importe quelle table, ça arrive tout de suite !

La louve empoigna la chope de sa grosse patte velue et se détourna.

— Il est sympa votre mouton, là, complimenta-t-elle avant de s'éloigner. Vraiment bien rendu.

Perdue en forêt - une aventure de KhulanWhere stories live. Discover now