❧ Chapitre 18 ❧

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« Nous savons ce que nous sommes, mais nous ne savons pas ce que nous pouvons être. »

— William Shakespeare


Assise sur les marches menant à l'entrée de la maison, j'attends patiemment l'arrivée de mon chauffeur. On peut dire qu'il n'a pas pu refuser ma demande hier, au téléphone, l'air complètement affolé. Je me demande ce qu'il y a de pire sur Terre, mourir ou découvrir que l'être qui vous a arraché la vie ne vous était pas inconnu. Une sensation de vide ne m'a pas quittée depuis hier et je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi Shawn a fait cela. Je ne lui ai jamais causé aucun tord, ce serait même plutôt le contraire. La lueur de haine et de rage dans ses yeux me revient et je sais que ce genre de personne préfère voir mort l'objet de sa convoitise plutôt que de le partager. C'est donc cela, la jalousie. Cette sensation dévorante, cette violence de l'esprit, ce désir incontrôlable de posséder quelque chose peut-elle conduire au meurtre ? J'en suis la mortelle mais regrettable preuve. La tristesse et la colère me font serrer les poings à en blanchir mes jointures. Si le bayou de Krick River n'avait pas été magique, je n'aurais été qu'une autre pauvre victime découverte des années après et ma mort n'aurait été considérée que comme le fruit du parfait hasard. J'ai la chance d'avoir ressuscité cent ans dans le passé pour rattraper le crime d'un meurtrier au sourire carnassier. Rien que d'imaginer sa main sur ma joue me donne envie de vomir puis de pleurer toutes les larmes de mon corps. Seulement quelque chose m'en empêche. Cécilia. Je sens sa volonté l'emporter sur la mienne et m'intimer de tenir bon, de ne pas donner raison à un être aussi méprisant que Shawn. Une chose est sûre : je me vengerais. La vengeance est un plat qui se mange froid Shawn et un centenaire d'attente ne le rendra que plus glacé, crois-moi !


Aydan, en beau costume de soirée malgré sa non-invitation, conduit sa belle voiture vernie comme à son habitude. James ne viendra pas avec nous ce soir, je ne tiens pas à le convier à cette fête où seule la mort doit avoir sa place.


J'ouvre ma portière sans laisser le temps au jeune homme de sortir pour le faire.

— Tu peux démarrer, soupiré-je, le regard droit devant moi.

— Tout va bien Elie ? s'enquiert-il une fois que nous sommes dans la rue.

— Mis à part que je connais désormais celui qui ma tué, je dirais que tout va bien, craché-je avec amertume, le regard sur lui.

— Comment l'as-tu su ?

— Je me suis rappelée un détail. Aussi minime qu'il puisse paraitre, il m'a guidé jusqu'à cette conclusion. Un crissement de pneus que j'avais déjà entendu auparavant...

— Et qui étais-ce ? Pour toi j'entends... se risque le brun, un regard furtif en ma direction.

— Celui qui faisait de ma vie au lycée un enfer, murmuré-je la voix brisée ce qui à le triste mérite de le faire tourner vers moi.

— Je suis désolé Elie, souffle-t-il en cherchant ma main pour la presser dans la sienne. Tu lui feras payer, c'est bien la seule certitude que tu peux avoir...

— Mais mon seul regret est que je devrais attendre cent maudites années avant Aydan ! Cent ans ! Et tout cela par sa faute ! Il m'a privé de ma famille, de ma vie... À croire que me rendre la vie impossible au lycée n'était pas déjà assez, il a fallu qu'il m'ôte également l'existence, la seule chose que je pouvais contrôler, conclus-je alors que ma voix se décide encore à déserter et mes larmes à monter. (La pression dans ma main se renouvèle chaleureusement alors que mon ami m'observe, désolé.)

Contre le temps : 20'sWhere stories live. Discover now