𝐿𝑎 𝑆𝑒𝑙𝑒𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛: 𝑊𝑒𝑛𝑑𝑦 𝑆𝑜𝑛 [ʳᵒˡᵉᵖˡᵃʸ ᵈᵉ -ᵏᵒʳᵒˢⁱᵗʰ]

Annexe | 4

Réfugiée dans sa chambre, Wendy était assise en tailleur sur son lit face à une pile de courrier: deux lettres et un magazine, qu'elle avait commandé en voyant qu'ils y parleraient de la Séléction. La Canadienne attrapa d'abord l'une des enveloppes, envoyée par son frère. Apparemment, leur père refusait qu'on lui envoie du courrier pour "éviter de la distraire" - Mark avait transgressé la règle, pas question de ne donner aucun signe de vie à sa jumelle! - , et il était assez content d'elle. Bref: cette lettre était pleine de l'affection que le jeune homme avait pour sa sœur et qui était partagée.

La deuxième lettre venait de sa meilleure amie, Irene. Elle disait juste qu'elle lui manquait et que ses journées semblaient vides sans elle, elle avait même joint un petit dessin des deux amies dans un style très mignon. Wendy sourit et serra les lettres contre son cœur, comme s'il s'agissait de ces deux êtres auxquels elle tenait le plus au monde. Une petite larme perla au coin de son œil; la brune l'essuya immédiatement, et attrapa le magazine.

"La Séléction d'Elijah Shazaba, événement très controversé, a commencé récemment. Vingt-cinq jeunes femmes..."

La Canadienne lisait sans vraiment faire attention, c'était juste une introduction donc rien de vraiment intéressant. Visiblement, certaines de ses camarades sortaient du lot, ce qui lui semblait plutôt normal en y réfléchissant. C'est vrai que depuis son arrivée à l'Oasis, certaines des sélectionnées semblaient très gentilles, charismatiques et très belles.

"Capri, Delianza et Wendy arrivent en tête de liste."

La brune écarquilla les yeux, surprise. Elle? Dans les favorites? Elle avait dû mal à y croire, et et se jeta sur la suite de l'article.

"Howard Hawksgather, de Vancouver, trouve lui que "Wendy semble adorable. Je pense que c'est une compagne idéale pour Elijah." "

- ... Moi?

Elle marmona, les yeux toujours grands comme des soucoupes, pointant son index sur sa poitrine. Elle ne s'attendait vraiment pas à être mentionnée. Elle-même ne doutait pas de sa propre gentillesse, ses proches lui disaient eux aussi effectivement qu'elle était adorable; le fait que d'autres personnes le pensent lui faisait chaud au cœur, et dans un sens ça la rassurait. En revanche cette histoire de "compagne idéale" l'enchantait beaucoup moins... Mais bon: après tout, ce Howard était canadien, c'était peut-être du patriotisme pur et simple. En tout cas, elle connaissait un certain James Son qui serait très heureux...

"Mais d'autres sélectionnées ne se sont pas démarquées en bien : si Amanet en a fasciné certains par sa franchise..."

Amanet, Amanet, Amanet... Wendy tentait de visualiser la jeune femme dans son esprit, mais elle n'avait vraiment pas la mémoire des prénoms et des visages. Après un rapide coup d'œil sur son téléphone, la brune se souvient enfin d'elle. Elle lui trouvait un air quelque peu... Intimidant, il est vrai. Mais Wendy ne la connaissait pas bien, à vrai dire elle n'avait parlé qu'aux autres sélectionnées du Canada dans l'avion avec elle. La suite de l'article mentionnait Nic.

"Pathétique"

Wendy poussa un soupir. L'interview de sa camarade reflétait ce que la brune ressentait au fond: si elle avait été honnête, elle aussi aurait critiqué Elijah et cette Sélection stupide. Mais contrairement à Nic, qu'elle voyait presque comme une héroïne pour avoir dit tout ça, la Canadienne était faible, peureuse et sans la moindre once de courage. Elle ne la connaissait quasiment pas, mais elle admirait cette jeune femme qui avait dit tout haut ce qu'elle-même n'osait même pas dire tout bas. Et tout ce qu'on trouvait à dire d'elle était... Pathétique.

Sa fierté d'avoir pu faire bonne impression fut remplacée par de la mélancolie. Si elle trouvait la force de parler franchement et tenir tête à son père en quittant la Sélection, que se passerait-il? La trouverait on pathétique, elle aussi? Combien de personnes décevrait elle? Elle eut soudainement la sensation d'être piégée, comme enfermée et incapable de trouver une issue. Elle suffoquait. Sentant sa tête tourner, Wendy ferma les yeux et s'allongea sur son lit, le souffle court et les membres tremblants. Peu de gens prenaient au sérieux sa phobie de la solitude et l'abandon, mais comme le prouvent ce genre de crises d'angoisse, c'était on ne peut plus sérieux. La brune attrapa les deux lettres envoyées par Mark et Irene, et les serra fort contre son cœur qui battait la chamade.

Quelques minutes plus tard, elle réussit à se calmer. Elle se redressa, essuya ses joues humides et ferma le magazine. Ce n'était pas le moment d'abandonner et de montrer ses faiblesses. Pour l'instant, elle était Wendy Son, fille d'un puissant patron d'entreprise textile et l'une des favorites de la Sélection. Elle se devait de sourire et montrer aux gens cette image de fille gentille et parfaitement heureuse qu'ils voulaient tous voir.

Si elle voulait que son père la laisse repasser le bas de la porte de chez elle, c'est ce qu'elle devait faire. Pas le choix.