SOUTH WESTERN TOWNSHIP [SO.WE.TO]

13 | Toumi

" En amour, contrairement à la politique [...] la prudence n'est pas une vertu."
Nelson Mandela

Il est vrai que depuis mon retour au pays, je collectionne les mauvais moments : Le décalage d'idées avec ma Marla (ma meilleure amie), la relation avec mon père, la trahison de tante Edna, les fiançailles avec Johnny... Mais, loin de la plantation de mon père, je respire à nouveau. Cela doit bien faire un siècle que je ne me suis plus sentie aussi bien.

Je suis heureuse d'avoir emménagé dans ma propre maison, et heureuse de partager mon quotidien avec ma Gugu d'amour. L'avoir de nouveau à mes côtés est un bonheur.

C'est surtout la meilleure chose que j'ai négocié dans ce foutu compromis.

Maintenant que nous avons rangé nos effets personnels, ma chère nourrice s'affaire pour mettre la cuisine en ordre. Moi, je range des bouquins dans la bibliothèque en bois clair de la salle de séjour. Je chantonne gaiement un cantique en Zulu que Gugu m'a appris petite, cette dernière me félicite d'avoir gardé les paroles en mémoire.

Perchée sur mon escabeau qui me permet d'atteindre les étagères les plus hautes, je manque de tomber à la renverse lorsque j'entends la voix grave de Toumi.

Je suis bien embêtée car je ne suis pas à mon avantage, vêtue de ce vieux tee-shirt gris et d'un un blue-jean usé et tâché de peinture. En plus de ça, mes cheveux sont sales et en pagaille. Pire, j'ai le teint blanchâtre d'un navet à peine sorti de terre.

C'est pas comme ça que je vais l'intéresser.

Ça me met en rage ! J'aurai dû savoir qu'il passerait voir sa grand-mère. Il vient très souvent depuis que nous habitons Sandton.

Seulement voilà, à chaque fois que nous nous voyons, Toumi reste cordiale, mais très distant. J'aimerai entrer en contact avec lui, mais ce dernier m'évite. Je décide donc de prendre les devants et d'aller à sa rencontre :

— Hey, Salut ! je lance maladroitement en entrant dans la cuisine.
— Salut Gaby, répond-il sans entrain –comment vas-tu ?
— Bien... Très bien... En plein emménagement comme tu vois. Et toi, ça va ?
— Ça va, je suis venu visiter Ma Gugu et m'assurer que tout va bien.
— Ne t'inquiète pas Toumi, Gugu est très bien ici. Je te le garanti !
— Elle était très bien chez nous aussi, objecte-t-il.
— Je sais Toumi ! Ce n'est pas ce que je voulais dire...
— Vous deux, ne recommencez pas ! râle Gugu. Essayez de vous accorder pour une fois. Un peu comme autrefois, vous étiez si proches... Je ne vous comprends pas les enfants. Ça devient lassant votre histoire.
— Désolée Gugu, c'est de ma faute; je vais vous laisser. Vous avez certainement des choses à vous raconter... Je... Je retourne m'occuper de ma bibliothèque.

Je lance un regard de désespoir à Toumi qui détourne aussitôt la tête. Pourquoi me rejette-t-il ainsi ? Après le magnifique baiser de la dernière fois, nous en sommes toujours au même point, il ne se passe rien.