Le mirage qu'elle représente

735 56 21
                                    

PROLOGUE

Son pas était lent comme toujours, léger sur le béton presque verglacé par le froid de l'hiver. Celle qui était à son bras riait. D'un rire heureux, d'un rire gracieux. Et devant son sourire, il imaginait son visage délicat déformé par le plaisir. Une excitation hâtive s'empara de lui et son bras musclé se cala contre sa taille bien formée. Son contact était comme tout les autres; délicieux. Il crevait d'envie de l'amener dans sa chambre et de l'aimer jusqu'à l'aube, juste pour cette nuit.

La femme brune collée à son corps habitait à quelques pas de chez lui. Quelques années de moins, un corps à s'en damner et une lucidité maîtrisée. Elle savait dans quoi elle se laissait porter. Elle en valait la peine.

– Tu dors chez moi ? Demanda-t-il. Sa voix était suave, charmante, tentatrice.

– Ce soir ?

Le brun hocha la tête et la femme posa sa joue contre son épaule, séduite. Son charme troublait. Personne ne savait trop pourquoi. Ses yeux profonds, sa mâchoire bien dessinée ou son nez sévère. Son visage était attirant.

Sa réponse le détendit et il la serra encore plus contre lui. Grey Fullbuster avait un insatiable besoin de se faire aimer. En particulier avec des gestes concrets, c'était pour lui une preuve inconcevable qu'il existait, vivant. Et ça le rassurait. Ça lui permettait de se sentir lui.

L'air était frais mais le contact avec la jeune femme à ses côtés le réchauffait. La rue baignait dans l'obscurité de la nuit, seulement éclairée par des réverbères presque obsolètes. Quelques uns avaient déjà rendus l'âme. C'était une soirée d'hiver, froide. De celles où le monde préférait se cloîtrer au chaud dans son chez-soi. Parfois, ils croisaient quelques autres passants qui avaient le pas pressé.

Grey Fullbuster aimait l'hiver. Il aimait lorsque le froid s'immisçait sous ses vêtements, lorsque le vent glacé fouettait son visage. Chaque été, il attendait patiemment la venue des flocons de neige qu'il pourrait admirer. Les yeux rieurs, celui-ci regardait la route où quelques flocons commençaient à s'y étaler. C'était beau. C'était plaisant.

Et la personne qu'il aperçut ensuite au coin de la rue était encore plus belle. Une silhouette familière se dessinait à travers le sombre décor de la ville de Magnolia. La lumière en dessinait ses contours. La cambrure de son dos, ses bras fins, ses cheveux à l'odeur paradisiaque, sa peau blanche, ses formes attrayantes.

Il en était certain, la femme qui hélait un taxi devant ses yeux était Juvia. Cette femme. La femme. Celle qui l'avait laissé quelques années auparavant, sans un baiser ni mots. Elle s'était envolée, évaporée du lit qu'ils partageaient. Ce n'était pas la première fois. Cette femme c'était un rêve qui venait hanter ses plus profonds sommeils, comme la pluie qui s'en allait et revenait.

Pendant quelques secondes, il croisa son regard. Bleu. Profond. Hypnotisant. Comme dans ses souvenirs.

Juvia. Juvia Lockser. Cette femme qu'il avait côtoyé par le passé et qu'il côtoierait inévitablement dans le futur. La furtive, l'inébranlable. Elle était beaucoup de choses Juvia. Exceptée stable. C'était comme ça qu'elle fonctionnait et à Grey, ça lui était égal. Parce qu'au fond, il était un peu le même. Il fallait néanmoins se l'avouer; il aurait parfois aimé, comme en cet instant, qu'elle s'arrête pour le voir, qu'elle lui laisse juste une heure avant de repartir. Une heure pour s'aimer, pour s'unir, corps contre corps. Mais Juvia n'était pas Juvia sans son imprévisibilité. Elle était tempétueuse. Elle était elle.

Son visage ne semblait pas avoir vieillit, ses cheveux étaient plus long que la dernière fois. Il se demanda si elle le reconnaissait, lui et ses cheveux plus courts, lui et son rasage impeccable. Trois ans qu'ils ne s'étaient pas vus. Trois ans durant lesquels entre deux nuits accompagné, son visage le hantait. Elle s'amusait à s'imposer dans ses songes quelques fois puis elle repartait, comme une illusion.

À la vitesse où elle détourna le regard, il comprit qu'elle avait saisi. Aussi, il devina que ce n'était pas le moment des retrouvailles. Dans un an peut-être..ou six mois. Il n'en savait rien. Et comme d'habitude il n'attendrait sûrement pas, il se laisserait emporter par des femmes passagères en attendant la femme.

La porte du taxi claqua et emporta avec elle son visage de poupée. Il soupira silencieusement et resserra son bras autour de Kanna. Elle était jolie Kanna. Elle était gentille Kanna. Et il avait envie de se perdre en elle pour sortir de ce mirage qu'était son histoire avec Juvia.

Les passagers Where stories live. Discover now