𝘽𝙖𝙘𝙠 𝘼𝙜𝙖𝙞𝙣 | | | 𝕆ℕ𝔼 𝕊ℍ𝕆𝕋

Passé : défi.

Six-ans plus tôt

Lilia

Et tout en réalisant qu'il me regardait comme si j'étais une usurpatrice de premier rang, j'eus mal.

Je continuai à le fixer avec incrédulité, cherchant en vain à trouver une bonne répartie pour ma défense.

J'étais si choquée par sa réaction dédaigneuse, que c'était à peine si j'avais remarqué le modeste mobilier de sa chambre mansardée. Le sol en béton souple était sans vie, et les murs en parpaing ocre étaient couverts de géants posters mièvres aux couleurs obscures montrant les sauts vertigineux et les escalades périlleuses des plus grands traceurs du monde de parkour, qui était en effet une discipline sportive assez pratiquée au Luxembourg. Je laissai mon regard vague embrasser les tuyaux d'aération apparents, juste à côté d'un lit IKEA avec son large socle en bois fossilisé, et dont les draps gris étaient nonchalamment défaits. Un vase sans fleurs trônait sur une table de chevet bon marché. Il y avait un seul canapé en cuir blanc élimé, faisant face à une table basse presque délabrée.

Le décor était si fade que celui d'une usine. Pourtant, je m'y plaisais...

Des vêtements de grandes marques débordaient du placard usé, et des baskets Adidas jonchaient le sol. C'était là une preuve concrète de la chute sociale qu'avait subie ce bel inconnu, qui venait de s'adresser froidement à moi, comme si j'étais aussi responsable que mon père de tout ce qui leur arrivait...

OK ! J'étais dans son ancien manoir. Pire encore, j'étais dans son ancienne chambre. Mais, je n'y étais pour rien. C'était la volonté de mon père à laquelle je ne pouvais pas déroger. Devrais-je lui expliquer cela ?

Quand je pensais que sa famille avait disposé d'une fortune colossale, lui permettant de mener une vie très fastueuse avant notre houleuse arrivée, je me disais que je devais peut-être le comprendre. Il était l'un des fils veinards du plus grand rival de mon père : Marc Platini, un ancien milliardaire qui possédait une multinationale spécialisée dans l'élaboration des aciers, trois chaînes d'hôtels neufs de par l'Europe, plusieurs centres commerciaux... Hélas, celui-ci avait tout perdu d'un seul coup au profit de mon père. Et même si Marc Platini ne vivait plus avec sa famille depuis des années, préférant se vouer entièrement à ses passions maléfiques : Les jeux de pari, l'alcool, et les femmes... Surtout les femmes, sa famille avait été la première à assumer les conséquences de sa faillite imprévue. Et le pire, il ne les avait même pas préparés psychiquement à subir un tel coup de sort !

- Je ne suis pas comme mon père !

Au fond, je ne voulais pas qu'il me haïsse. Je voulais gagner son amour avec l'énergie du désespoir, car j'étais déjà folle dingue de lui. En ce moment, il continuait de me fixer avec dédain, comme si je n'étais qu'un objet sans valeur de plus dans son nouvel univers de pauvre, tout en enfilant lentement un tee-shirt grunge, qu'il avait préalablement choisi.

- Je ne savais pas que j'étais dans ton ancienne chambre !

J'étais sur le point d'enchaîner avec une nouvelle réplique lorsqu'il se retourna brusquement, laissant tomber sa serviette sur le sol pour porter un boxer noir. Bouche bée, je contemplai son fessier parfait aux muscles fermes sans parvenir à m'en détacher. Mais quelles belles fesses masculines il avait !

Je sentis qu'il avait deviné mon émoi, mais je m'en calai royalement. J'eus envie de l'admirer encore !

Il s'interrompit délibérément quelques minutes, avant de remonter enfin son boxer, comme s'il voulait me faire comprendre que je n'aurais toujours que son derrière à contempler. Il était resté calme, mais l'atmosphère était chargée d'électricité entre nous. Il n'avait pas besoin de parler encore pour me mettre mal à l'aise. Sa première provocation avait fait l'affaire. Tel père, tel fils, avait-il dit. Certes, j'éprouvais un amour sans fin pour mon père, mais cela ne signifiait pas que j'étais d'accord avec tout ce qu'il faisait. De toute façon, je n'avais pas le droit de le juger...