Il se tient au milieu d'une plaine désolée, entouré par la mort : elle semble faire partie intégrante du paysage. La plaine en soi exprime la fatalité, le sol autrefois fertile aujourd'hui brûlé, en cendres, suite aux combats qui ont fait rage ici. Ahuri, il fixe son regard vers l'horizon : il est seul. Ou plutôt, il est le seul survivant, la montagne de cadavres l'entourant démontrant la terrible étendue du massacre orchestré par les créatures de l'ombre. Il est désormais le seul, l'unique. Un sentiment de solitude l'envahit. Tant de gens, d'humains, d'elfes, de nains, de dragons sont morts pour la folie de quelques-uns... Les siens n'étaient plus si nombreux, mais aujourd'hui il est seul... Seul... Couvert du sang de ses ennemis, la lame sacrée de son Ordre à la main, il est le dernier gardien de l'héritage de son clan. L'ennemi a été anéanti, mais à quel prix...Tant sont morts pour que si peu vivent...
Alors que ces sombres pensées l'assaillent, un rire étouffé lui parvient. Il se retourne et voit l'un des responsables du massacre, l'Ombre Zarsen. Un pieu de chêne blanc planté au cœur, il n'est pas encore mort, parce que ses sorts protecteurs empêchent le pieu d'atteindre l'organe. Mais le pieu est lui aussi enchanté, et, malgré les efforts de Zarsen, qui concentre toute son énergie à le repousser, il s'enfonce progressivement, lentement, inexorablement. L'Ombre est condamné, et pourtant il rit doucement, d'un rire froid et mauvais, tout en fixant son regard vers le ciel. Alors, durcissant son visage, il s'approche, pointe Gyrffhòn, le dernier héritage de l'Ordre, vers Zarsen, puis lui parle d'une voix rauque et ferme, sans perdre le contrôle de ses émotions :
- Cesse donc de ricaner, créature de l'ombre, et dis-moi en quoi tu te sens victorieux, après cette boucherie qui a emporté les tiens comme les miens.
- Pourquoi le ferais-je ? demande-t-il avec l'arrogance qui est le propre des siens. J'aurais tout avantage à me taire.
- Si tu n'avais pas l'intention de parler, tu n'aurais pas attiré mon attention. Je sais que tes sorts protecteurs sont absolus, et que tu les annulerais si tu pouvais. Parle, et j'abrégerai tes souffrances.
***
Il s'éveilla brusquement, douloureusement. Il avait l'impression d'avoir dormi une éternité durant. Aussitôt, un grand vide l'envahit : ce grand vide fut suivi d'une foule de questionnements. Qui était-il ? D'où venait-il ? Quelle était la signification de ce rêve qu'il avait fait, tout juste avant son réveil ? Combien de temps avait-il dormi réellement ? Pourquoi s'était-il réveillé, et surtout, pourquoi s'était-il endormi ? Tant de questions qui demeurèrent sans réponse : sa mémoire était aussi vide et obscure que l'endroit qu'il occupait. Aussi fut-ce davantage par instinct que par volonté que, agacé par les ténèbres qui l'entouraient, il marmonna entre ses dents :
- Brisingr.
Aussitôt, une énorme flamme argentée jaillit du sol, en face de lui. D'abord étonné, il s'empressa de mémoriser le mot et sa prononciation pour un usage ultérieur.
Maintenant soutenu par une bonne source de lumière, il fut en mesure d'observer l'endroit autour de lui. L'endroit, aux murs circulaires faits de pierre lisse, ressemblait fort à une crypte, avec d'étranges symboles étonnamment familiers gravés sur la surface des parois. Au centre de la pièce, juste derrière lui, se trouvait un autel de pierre noire, incrusté de pierres précieuses scintillantes, lui aussi doté de quelques lignes de cette graphie qu'il était en mesure de reconnaître, mais qu'il ne parvenait pas à lire. C'était sur cet autel qu'il avait dormi... une semaine ? un mois ? un an ? un siècle ? Il n'en savait toujours rien.
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Du Súndavar Shur'tugalar (Dragonniers de l'Ombre)
FantasySuite fictive de la série L'Héritage, mieux connue sous le nom d'Eragon, titre du premier tome, écrite par l'américain Christopher Paolini. Attention, spoilers de la série, individus en cours de lecture de la série, veuillez en tenir compte. L'histo...