Laissée

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Elles se tenaient la main depuis quelques jours maintenant, Hélène et Lise, Lise et Hélène. Enfin, elles se tenaient la main... sous leur petite table habituelle. Lise et Hélène n'avaient pas honte de leur sexualité, elles en étaient mêmes plutôt fières, c'est ce que Lise affirmait. Mais voilà, elles ne le montraient tout de même pas. Par peur surtout de se faire injurier, harceler ou tabasser.

Mais petit à petit, elles commencèrent à sortir ainsi. Main dans la main, bras-dessus bras-dessous.

Nous étions en avril à présent, le moment idéal pour les mariages. Soleil, fleurs de cerisier, fleurs tout court, les plantes reprennent de la couleur et les animaux sortent de leurs trous. Oui, quoi de mieux que ce temps pour un mariage ? On ne parle pas, évidemment, des jours de pluies diluviennes occasionnelles qui permettent de rafraîchir la terre.

Mais Lise préférait la pluie, elle est belle, à Paris, elle est gracieuse, peu intense, quoique.

Lise tenait un bullet journal, enfin elle tentait tant bien que mal. C'était grâce à Hélène qui l'avait contaminée. Hélène dans son bullet elle dessinait bien, c'était beau, c'était fluide. Lise dans son bullet c'était le bazard, alors que ça aurait dû être le contraire. Elles étaient comme ça Lise et Hélène, elles se faisaient des soirées bullet avec vidéos, scrapbooking et feutres colorés, c'était leur petits moments à elles. Mais il ne fallait pas croire, ces soirées n'étaient pas dédiées qu'au bullet, les rires et les baisers faisaient aussi partis de l'équation.

Malgré tous les efforts d'Hélène, Lise n'y arrivait vraiment pas, elle n'était pas organisée. Enfin, Hélène le savait déjà, et bizarrement c'est ce côté fonceuse et tête en l'air qui lui avait plu sous le ciel pas étoilé de Paris. A la place, Lise a créé un bulletale journal, jeu de mots trouvé par son humour de génie, qui retrace tout simplement l'histoire de Lise... avec Hélène.

Octobre et ses couleurs d'automne, leur rencontre sur un toit de Paris, des étoiles cachées pleins les yeux et deux boissons de gamines en été.

Novembre et le sombre gris, ces jours de pluie sans parapluie, leur longues heures accoudées au bar à s'échanger leurs boissons préférées.

Décembre et son rouge pourpre, les fêtes de fin d'année qui battent le plein, le gel car pas de neige, les danses sur les toits quand il y avait quelques flocons.

Janvier et le grand froid bleu, les résolutions déjà oubliées, les soirées pelotonnées l'une contre l'autre pour essayer d'oublier les pieds glacés.

Février et le rose de l'amour, la saint-valentin à tous les coins de rue, la déclaration d'Hélène, les larmes de Lise, leur baiser et les sucres d'orges de mamie.

Mars et le vert qui renaît, les oiseaux qui semblent réapparaître, les balade en vélib', en métro ou en calèche pour aller aux jardins parisiens.

Enfin, Avril, que va donc leur réserver avril ?

Hélène tendit une robe blanche et bleue pâle à Lise. Elle l'examina sous toutes les coutures, la regarda de près, toucha le tissu, regarda la taille, le décolleté, la coupe. Elle fit signe que non. Hélène soupira, c'était la cinquième, ou la sixième ? Pourtant il allait bien falloir la trouver à un moment ou à un autre cette robe de mariage ! Le mariage de sa sœur était dans trois jours et Lise n'avait clairement qu'une chose dans sa garde-robe pour cette fête : une barrette.

- Allez Lise bon sang, on ne va pas passer quatre heures pour une robe de mariage !

Lise rit, c'était rare de voir Hélène s'exaspérer, elle qui était d'habitude si patiente.

Ratées d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant