Chapitre 12 : 2020

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Je me réveille en sueur. J'ai encore rêvé de ce jour-là... Le premier jour de son absence définitive... J'étais à table avec ma famille, et elle... Elle s'était faite enlever, voire tuer... Quelle horreur. Je décide de me lever, et d'aller faire un tour dehors. Je me balade dans mon quartier, en tentant de penser à autre chose. Je respire l'air frais du matin, et vraiment, ça fait du bien. Mon pouls se calme petit à petit, et je profite d'être seul dans la rue pour chantonner.

Je finis par m'assoir sur un banc et fermer les yeux. Je me sens un peu hors du temps, comme si j'étais seul au monde pour toujours, et bizarrement, c'est assez réconfortant. Parfois, quand je suis seul, j'ai l'impression que Nara est près de moi. Peut-être que de là où elle est, elle me regarde. Peut-être que ce n'est pas le vent que je sens, mais elle qui me souffle dessus pour m'enquiquiner...

J'ouvre les yeux, et je regarde autour de moi. Parfois, il m'arrive d'essayer de regarder le monde comme Nara pouvait le voir. Les bâtiments sont des montagnes qui sont des obstacles infranchissables, les gens sont des tâches sombres qui se déplacent sans cesse, le monde est géométrique, simple, et à la fois tellement mystérieux et complexe. Chaque chose, même insignifiante, est là pour une raison. Une feuille morte est un cadavre, un oisillon une proie facile, le vent une petite voie qui se moque perpétuellement de nous – soit parce que nous sommes idiots, soit à cause de la coupe de cheveux que ça nous fait – et nous, les hommes, nous sommes des monstres sanguinaires, prétentieux et pitoyables. C'est aussi pour ça, que Nara ne dessinait jamais d'être humain. Ce n'est pas beau, un être humain. C'est vicieux et sale : un déchet.

Et après avoir pensé tout ça, je me rappelle que je vois le monde d'une autre manière encore. Les gens ne me dégoutent pas : soit je suis indifférent, soit je les aime, soit ils m'inspirent de la pitié. Les bâtiments ne sont pas des montagnes infranchissables, mais des poteaux de slalom. Tout ne peux pas aller tout droit dans la vie, pas vrai ? Le vent n'est pas si moqueur, il est même plutôt câlin : il me caresse la joue à chaque occasion, et m'ébouriffe les cheveux comme le fait mon père. Une feuille morte est une renaissance, un oisillon un être encore innocent...

Nous voyons le monde tellement différemment. Et finalement, aucun de nous n'a tort : chacun vit dans un monde différent, celui qu'il aménage pour y habiter. Certains préfèrent des meubles en bois, d'autres en plastique, certains aiment les miroirs, les autres détestent leur reflet...

Je rigole doucement. Elle est inspirante, Nara, même quand elle n'est pas là. C'est fascinant de voir tout ce qu'une personne peut nous inspirer. Des émotions, des idées, des questions, des histoires. Est-ce que je devrais écrire l'histoire de Nara ? Elle avait raison, je suis bizarre de garder tout ça dans ma tête, et de risquer de l'oublier.

Je me lève, et commence à retourner vers chez moi. Mais je vois un objet briller par terre, un peu plus loin. Après quelques pas, je m'aperçois que c'est un bijou. Je décide de le ramasser et de le montrer aux gens du quartier, peut être que quelqu'un saura à qui il est.

Mais en me penchant pour ramasser l'objet, mon cœur s'arrête. Je reconnaitrait ce pendentif entre mille : une petite flamme. Ma respiration s'accélère, et quand mes doigts touchent le collier, je m'effondre en pleurs.

Nara... non seulement elle est morte, mais en plus quelqu'un lui a pris cet objet, certainement sans même en connaitre la valeur sentimentale. Je suis furieux. Furieux qu'on ait osé s'approprier un objet aussi symbolique, qu'on l'ait volé à une petite fille surement traumatisée. J'imaginais qu'elle avait au moins trouvé du réconfort avec ce collier, mais elle ne l'avait plus... C'est monstrueux... Alors je l'ai vraiment abandonnée ?... 

L'artiste [Choi Beomgyu, TXT]Where stories live. Discover now