Chapitre 4 ~ Égarement

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     — Te voilà donc mon enfant, dit enfin une voix féminine.
     Je ne répondis pas, me demandant si j'avais raison de ne pas partir en courant. Elle ne s'en formalisa pas et s'approcha encore un peu plus de moi, dépliant quelque chose qui reposait auparavant sur l'un de ses avant-bras.
     — Tu dois avoir froid si peu vêtue. Laisse-moi te couvrir.

     Devant le mouvement de recul, que je ne pus réprimer lorsqu'elle fit mine de m'enrouler dans une couverture, elle pouffa.
     — Ne crains rien, ma belle. Je suis ici pour t'aider et... te guider.

     En parlant, elle m'avait contournée pour qu'il lui soit plus facile de poser la courtepointe sur mes épaules sans m'effrayer davantage. Je la laissai faire, de toute façon bien trop fatiguée pour avoir le courage de fuir.
     — Savez-vous ce que je suis ? demandai-je, d'une toute petite voix.

     Je trouvais irréel de poser cette question à une humaine. Ils avaient la réputation d'être si terre-à-terre, si cartésiens. Comment cette femme pourrait-elle accepter de savoir ce que j'étais vraiment ? Son cerveau ferait tout son possible pour l'envoyer dans une direction plus... crédible.
     — Je sais ce que tu es, oui, me répondit-elle, sans un regard.

     Toute son attention allait désormais au contenu d'un grand cabas qu'elle venait de poser au sol. Elle y farfouilla un moment, créant une cacophonie de bruits métalliques. Autour de nous, il me semblait entendre les branches remuer, alors que pas un seul coup de vent ne se faisait ressentir. Je frissonnai lorsque l'étrange cri entendu peu avant l'apparition de ma compagne se reproduisit.
     — Je vais t'expliquer tout ce que tu dois savoir, reprit-elle après une courte pause, mais avant laisse-moi finir de nourrir ces petits chenapans. C'est qu'ils ne sont pas patients, tu comprends ?
     À dire vrai... non ! J'étais même totalement perdue. Cependant, comme elle semblait être la seule humaine dans le périmètre – et serviable en plus – j'allais faire comme si je suivais. C'était la moindre des choses. Je hochai donc la tête, ne sachant pas si elle percevrait ma réponse silencieuse. Sous mes yeux curieux, elle étala bon nombre d'écuelles à ses pieds et, en un instant, de nombreuses créatures apparurent tout autour de nous.
     — Oh ! m'exclamai-je. Est-ce que ce sont des... chats ?

     La vieille femme me sourit, tout en flattant la tête de l'un des félins. J'eus enfin le loisir de l'observer, la lanterne, désormais posée au sol, illuminant son visage au lieu de m'éblouir comme c'était le cas un peu plus tôt.
     — C'est ce qu'ils sont, oui ! En plus d'être de sacrés coquins... Ne les entendais-tu pas miauler?

     Voilà donc l'origine de ces drôles de cris, surpris un peu plus tôt !
     Sans m'en rendre compte, j'étais descendue de ma souche, m'échappant de l'étreinte chaude et réconfortante de la courtepointe qu'elle m'avait offerte, et avais fait un pas en direction des gamelles.
     — Je peux...
     — Les toucher ? compléta-t-elle, alors que j'hésitais. Bien sûr !

     Je tendis alors une main et, presque tout de suite, un joli petit félin rouquin vint y blottir sa tête. Je le grattouillai du bout des doigts, tremblante, et il me récompensa en ronronnant dans la seconde. Ma compagne respecta notre échange, restant silencieuse et immobile. Pourtant, elle finit par dire :
     — Il se fait tard... Je me dois de te guider, petite fée. Il serait plus commode pour toi de trouver de l'aide avant les premières lueurs de l'aube et plus sûr de ne plus tarder.

     Nouveau mouvement de tête affirmatif de ma part. Ma curiosité, encouragée par les ronronnements apaisants de l'animal encore sous mes doigts, me poussa à demander :
     — Comment savez-vous ce que je suis ? Et... comment avez-vous su que j'étais là ?
     Elle me sonda et se décida à dire :
     — J'ai senti ta présence. C'est un petit don que je garde du passé.

DestinéeWhere stories live. Discover now