Chapitre VII: La dernière chasse

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Début été 1792

- Voyez-vous mon fils, ces traces profondes et larges ?

- Oui père, je les vois.

- A qui appartiennent-elles ?

- Un sanglier ?

- Exact. Mâle ou femelle ? Réfléchissez bien avant de répondre et rappellez-vous ce que je vous ai appris.


Grégoire observa longuement l'empreinte. Il passa le doigt le long de la trace, la mesura approximativement à l'aide de ses phalanges, garda encore un peu le silence et répondit :

- Femelle et vu la profondeur, cela doit être une adulte.

- Bien mon fils ! Félicita Eugène en lui frottant les cheveux. Vennez maintenant suivre la piste.

Les deux gentilshommes, courbés en deux rasant les buissons, cheminèrent à travers les sentiers forestiers.

- Chut, intima Eugène en arrêtant le garçon, moins de bruit. D'où vient le vent fils ?

- Contre nous père.

- Encore une bonne réponse, c'est un avantage. Cachez-vous dans cet arbre, le sanglier est un animal trop dangereux pour que je puisse vous emmener. Allez !

                   Le garçon s'exécuta, grimpant sur le vieux saule qui leur faisait face. Lorsqu'il fut bien installé, il surplombait les buissons et les haies sauvages. Il vit la femelle qui se désaltérait en contrebas. Grégoire se pencha vers le baron et lui indiqua la direction. Celui-ci lui sourit puis lui fit signe de se taire. Eugène se dirigea vers l'animal, les sens en éveil, lentement. Toujours très silencieusement, il arma son fusil et visa le crâne de la bête. Il ne pouvait la rater. Cela allait être un trophée de taille. Grégoire retint son souffle. La bête était énorme, un vrai monstre aux muscles puissants et aux défenses redoutables, mais aussi magnifique dans cette même puissance .

- Allez-y père, vous pouvez le faire... Murmura-t-il.

                    Brusquement, l'enfant vit des marcassins sortirent de dessous de leur mère. Il se sentit soudain plein de remords. De pauvres et innocents orphelins... Eugène les avait vu aussi. Il arrêta son mouvement. Allait-il les tuer finalement ? Le baron n'hésita pas longtemps et baissa son arme. Pas cette fois. Il continua, le sourire aux lèvres, à observer cette petite famille de sauvages. Il trouverait bien un autre gibier à chasser, pour cela Eugène était imbattable.

"Crac !"

                     L'aristocrate releva la tête. Charles était à découvert. Il était tombé sur la laie par le plus grand des hasards. Le marquis la mit en joue alors que l'animale fonçait sur lui, dans un instinct protecteur. Bonchamps ne rata pas sa cible, cependant il ne fit que la blesser à l'épaule et cela redoubla la rage de la bête. Le vendéen se jeta sur le côté et ne l'évita que de justesse. Le fusil lui échappa des mains. Désarmé, l'homme se précipita sur un chêne, espérant s'y réfugier. Hélas, la branche à laquelle il s'était accroché, rompit sous son poids. Il retomba lourdement sur le sol et allait se faire éventrer par la femelle déchaînée lorsqu'Eugène sauta sur le dos de la laie, la faisant dévier légèrement de sa trajectoire. Elle rua violemment, cependant le Baron fut vif d'esprit et lui plongea son long couteau de chasse dans sa gorge. Il lui ouvrit sur toute la largeur de la jugulaire. L'animal s'effondra aux pieds de Charles, entraînant le baron avec lui, dans un torrent de sang. Grégoire qui avait assisté à toute la scène impuissant, poussa un hurlement et descendit de son arbre le plus vite qu'il put. Le marquis se traîna jusqu'à son ami :

La Louve de la Grande ArméeWhere stories live. Discover now